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L’appel au vote blanc de Marine Le Pen

Pour le second tour, la présidente du Front national appelle les 6,4 millions d’électeurs qui ont porté leurs suffrages sur elle au premier tour à ne voter ni pour Nicolas Sarkozy, ni pour François Hollande

«Une boussole». Un «centre de gravité». Dans son discours du 1er Mai, Marine Le Pen a misé sur l’emphase pour décrire le rôle qu’elle s’attribue désormais dans la vie politique française. Le décor concourt à donner du lustre à ses propos: derrière elle, l’Opéra de Paris, un fond de scène à l’effigie de Jeanne d’Arc, le Boléro de Ravel et quelques mesures de Verdi pour l’entrée en piste de Jean-Marie Le Pen. Forte des 17,9% de suffrages recueillis le 22 avril, au premier tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen s’est adressée à un public de 10 000 à 30 000 partisans réunis devant elle pour célébrer à la fois les 600 ans de la naissance de Jeanne d’Arc, la Fête du travail et «la nation», et écouter la consigne de vote pour le second tour.

«Les débats se structurent autour de nos propositions. Nous avons posé les fondations de notre proche arrivée au pouvoir», prédit la présidente du Front national. «Quel effet cela fait-il de passer du rôle d’idiot qui vote Marine Le Pen à celui d’arbitre de l’élection présidentielle?» s’interroge-t-elle. «On est chez nous!» répond la foule.

Après une heure de discours – durant lequel elle fustige les «mensonges» de l’UMP et du PS, ainsi que leur «danse du ventre spectaculaire» devant ses 6,4 millions d’électeurs –, Marine Le Pen annonce son choix: «Dimanche, je voterai blanc. Je n’accorderai ni confiance ni mandat aux deux candidats qui s’ingénient à faire perdre la France.»

Le mot d’ordre ne surprend guère. Il avait été défloré ces derniers jours par les proches de la patronne du FN. Mais il porte. Une immense acclamation monte de la place. «C’est ça qu’on attendait», hurle une quinquagénaire arrivée de Haute-Savoie. Parmi les militants qui ont défilé depuis la place du Palais royal jusqu’à la statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides, avant de remonter sur l’Opéra, les avis sont partagés. Beaucoup de sympathisants suivront la consigne, s’abstiendront ou feront un vote nul, comme Gabriel, venu d’un village de Bretagne qui a voté à 31,7% pour la candidate frontiste. Ce chauffeur routier encarté depuis 2002, par ailleurs délégué syndical, n’a pas de mots assez durs contre le «système UMPS»: «Je voterai Marine Le Pen avec un cœur», annonce-t-il. Comme lui, d’autres militants ont gardé, à l’issue du premier tour, un bulletin au nom de la patronne du FN pour pouvoir le glisser dans l’urne le 6 mai. «On ne peut pas en permanence nous mépriser, dire des infamies sur notre mouvement, puis nous demander nos voix», confirme François, qui vit à Bordeaux et votera blanc.

Gabriel pronostique que les électeurs FN seront 25% à voter ainsi: 25% à choisir François Hollande «parce qu’ils en veulent trop à Sarkozy», tandis que l’autre moitié choisira le président sortant. «Je voterai Sarkozy parce que c’est le moins pire des deux», confirme Jean-Luc, un informaticien parisien. «Moi de même. Je me sens obligé de voter à droite», ajoute Thierry, le maire de Sassey-sur-Meuse, en Lorraine, village de 124 habitants qui a voté FN à 49,8% au premier tour. «Si François Hollande est élu, il n’y aura plus un sou en caisse.»

Aux cris de «Ni droite, ni gauche, Front national!», le cortège avance, drapeaux bleu-blanc-rouge tournoyants. Certains avouent qu’ils glisseront stratégiquement dans l’urne un bulletin au nom de François Hollande. «Avec tous mes copains, à la fac, on va voter Hollande pour que Marine puisse être élue présidente dans cinq ans, tellement on sera au fond du gouffre. Elle sera alors notre Jeanne d’Arc», s’enflamme Michel, étudiant à Avignon.

Au-delà de la consigne de vote, Marine Le Pen est déjà tournée vers les élections législatives du mois de juin. Elle attaque avec force les personnalités de l’UMP comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui ont déclaré qu’elles voteraient socialiste pour faire barrage au FN.

Le 22 avril, la candidate frontiste est arrivée en tête ou seconde dans 116 circonscriptions sur 577. Selon un décompte du Monde, les scores du premier tour permettent au Front national d’espérer être présent dans plus de 350 circonscriptions au second tour, le 17 juin prochain. Le parti nationaliste rêve d’avoir suffisamment de députés (plus de 15) pour créer un groupe à l’Assemblée nationale. Poursuivant sa stratégie de dédiabolisation et misant sur l’adhésion à sa personnalité, la présidente du mouvement évite désormais jusqu’à l’usage du mot «Front national». Les candidats frontistes – rebaptisés «marinistes» – se présenteront sous l’étiquette du «Rassemblement bleu Marine». Prémices d’un changement de nom? ö Page 15

«On ne peut pas en permanence nous mépriser,puis nous demander nos voix»