L’aviation de la Bundeswehr reste peu opérationnelle
Allemagne
L’Allemagne s’apprête à envoyer six avions de reconnaissance Tornado en Syrie, aux côtés de la coalition contre l’Etat islamique. Une bonne partie de la flotte allemande de ce vieux modèle est clouée au sol, pour maintenance ou problèmes techniques

Ursula von der Leyen s’est voulue rassurante. La fringante ministre allemande de la Défense a tout de même jugé les choses suffisamment sérieuses pour s’expliquer mercredi matin à 5h30 dans le très suivi journal télévisé de la chaîne publique ARD. «Trente de nos Tornados sont à même de voler. Il nous en faudra six pour les opérations de reconnaissance en Syrie. Nous avons de la marge.»
Les spécialistes dans le domaine de la défense sont d’un autre avis. Selon un rapport interne à la Bundeswehr publié hier par la presse allemande, 29 Tornados sont actuellement à même de voler sur un total de 93 appareils… La majorité des avions de reconnaissance de la Bundeswehr sont donc cloués au sol pour problèmes techniques ou de maintenance. Le problème, lancinant, a même empiré puisqu’il y a un an, 38 appareils de la flotte étaient prêts à décoller pour partir en mission.
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Le Tornado est un vieux modèle. La petite centaine d’avions de ce type dont dispose l’armée allemande a entre 23 et 34 ans. Le modèle est peu à peu remplacé par l’Eurofighter, souffrant lui aussi des restrictions budgétaires de l’armée: à ce jour, seuls 55% d’entre eux sont prêts à voler, contre 57% du parc voici un an. Quant au transport de troupes Transal 57% d’entre eux sont prêts à décoller au lieu des 70% visés par la Défense.
Que se passe-t-il avec le matériel lourd de la Bundeswehr? La question est lancinante, inconfortable pour le gouvernement qui a approuvé mardi l’entrée de l’Allemagne dans la coalition contre l’Etat islamique avec quelque 1200 hommes pour un montant de 134 millions d’euros en 2016. L’Allemagne, pour répondre à la demande de solidarité de la France après les attentats du 13 novembre enverra une frégate en renfort au porte-avions français Charles-de-Gaulle, des Tornados et un Airbus A310 pour soutenir le ravitaillement en vol des avions français. Les Tornados, volant à relative basse altitude (3000 mètres) s’engagent dans une mission qualifiée de «dangereuse» par la ministre, et seront équipés de détecteurs à infrarouge, à même de repérer toute tentative de ciblage par l’ennemi.
Face aux critiques et aux sceptiques, la ministre de la Défense a dû s’expliquer hier devant la commission Défense du Bundestag. «L’Allemagne va contribuer de façon significative à la lutte contre l’Etat islamique, assure Ursula von der Leyen. Trouver comme ça des avions de ravitaillement en vol, des satellites de reconnaissance et des Tornados n’est pas forcément une évidence. On ne trouve pas ça comme ça ailleurs.»
«La situation de notre système volant reste insatisfaisante», tranche l’inspecteur général des armées, Volker Wiekler, dans un rapport. Et ce malgré l’adoption par les autorités compétentes d’un catalogue de 117 mesures pour un montant total de 5,6 milliards d’euros d’ici à dix ans. «On ne peut attendre une amélioration rapide», poursuit l’inspecteur, tout en pointant des «améliorations» dans certains domaines. Pas en tout cas pour l’aviation militaire.
Le mandat par lequel l’Allemagne entre aux côtés de la coalition anti-Daech doit être voté vendredi par le Bundestag, ce qui laisse augurer de houleux débats. Selon un sondage YouGouv 71% des Allemands redoutent que l’engagement de la Bundeswehr aux côtés des alliés occidentaux ne fasse augmenter le risque d’attentats en République fédérale. Le vote est cependant acquis, du fait de la confortable majorité dont dispose Angela Merkel au Bundestag. Die Linke, une partie des Verts et 35 députés de la coalition CDU-SPD, voteront contre.
Cet engagement marque «une césure pour l’Allemagne, qui ne s’est pas intéressée au problème syrien jusqu’à l’arrivée massive des réfugiés», souligne le chercheur Christian Mölling du German Marshall Fund. Selon le chercheur, l’Allemagne – contrainte de faire preuve de solidarité après les attentats de Paris – aurait préféré continuer à jouer le rôle traditionnel de médiateur dans les conflits internationaux qui lui réussit davantage.