Le pardon est une arme plus puissante que la vengeance. La force du message de Nelson Mandela a secoué un monde imprégné par la morale revancharde des westerns et des exploits de justiciers masqués. Elle a fait de lui un héros: depuis sa sortie de prison, le leader de l’ANC a inspiré une quinzaine de fictions au cinéma et à la télévision.

Sa disparition coïncide avec la sortie en salles de Mandela: Un Long Chemin vers la liberté, de Justin Chadwick, un modèle de biopic édifiant, retraçant la vie du grand homme (joué par Idris Elba, vu dans des séries comme The Office ou Sur écoute), de la cérémonie rituelle du passage à l’âge adulte à son accession à la présidence sud-africaine. Cet abrégé recourt à des gimmicks (la leçon selon laquelle les cinq doigts de la main sont faibles séparément, mais forts rassemblés en un poing), des perruques blanches pour dire le passage des années et une chanson de U2 au générique de fin afin de bien affirmer la dimension messianique de Mandela.

En 2007, August Bille, le cinéaste des bonnes causes, n’est guère plus inspiré lorsque, tout pétri d’admiration, il raconte dans Goodbye Bafana l’amitié qui finit par lier Mandela (Dennis Haysbert, qui fut le président Palmer dans les premières saisons de 24 Heures chrono) à l’un de ses gardiens de prison, raciste invétéré lentement conquis par la noblesse d’âme du prisonnier… De la belle ouvrage, incontestablement.

Sourire avec lui

Seul contre tous, armé d’une devise galvanisante («Je suis le maître de mon destin, le capitaine de mon âme»), Nelson Mandela s’est profilé comme le dernier avatar du héros selon Clint Eastwood. Le titan du cinéma américain a rencontré le vieux lion de l’ANC, qu’il évoque avec humour: «Je pense que nous étions tous deux pareillement impressionnés. C’est un homme extrêmement charismatique avec ce sourire à un million de dollars. Quand il entre dans une pièce, tout le monde a envie de sourire avec lui. On ressent quelque chose juste en étant près de lui.»

Le cinéaste a aussi visité la cellule de Robben Island: «C’est très émouvant de penser qu’un homme a passé vingt-sept années dans un espace si confiné. Qu’il en sorte aussi ouvert et magnanime, et capable de pardonner, est presque impossible à admettre.»

Un saint

De tous les réalisateurs qui se sont emparés de la figure de Mandela, Clint Eastwood est le seul qui ait déjoué les pièges de l’hagiographie béate. Parce qu’Invictus (2009) se base sur un événement particulier et se concentre sur l’intelligence politique. Nouvellement élu à la présidence sud-africaine, Mandela a manœuvré pour que les Springboks, l’équipe nationale de rugby, pure émanation de l’apartheid, retrouvent leur forme et remportent la Coupe du monde. Cette victoire réconcilie Blancs et Noirs et rend au pays sa fierté.

Par ailleurs, pour incarner Mandela, Clint Eastwood a pu compter sur son vieux complice de Unforgiven ou Million Dollar Baby, l’immense Morgan Freeman. Celui-ci compose un homme politique extraordinairement complexe. Un habile manipulateur drapé dans sa noblesse d’âme, un vieux matou charmeur, dont l’humanisme confine à la sainteté, mais se nuance d’une touche de roublardise. Hier, le comédien américain a rendu hommage à Mandela: «Il était un homme à l’honneur incomparable, à la force inépuisable et à la détermination sans faille, un saint pour beaucoup et un héros pour tous ceux qui chérissent la liberté et la dignité humaine.»

Zulu, de Jérôme Salle, vient de sortir en salles. Ce polar ultra-violent a la caractéristique de se passer en Afrique du Sud, où les cicatrices de l’apartheid ne sont pas refermées. Dans son enfance, le policier enquêtant sur une série de meurtres liés à la drogue, a été victime des nationalistes du parti Inkhata. Il a grandi et mené sa vie professionnelle dans l’idée du pardon défendue par Mandela. Il finit par abjurer cette valeur et meurt seul dans le désert, les mains ensanglantées.