«C’est une guerre silencieuse contre l’homme et le développement qui se joue en Syrie.» Tel est le constat accablant d’un récent rapport de deux agences onusiennes impliquées au Proche-Orient: l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unwra) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Effets dévastateurs
Depuis que le conflit syrien a commencé, il y a 32 mois, toutes les statistiques traitant de l’économie du pays sont gardées comme un secret d’Etat. Par ailleurs, des estimations fiables sont rendues caduques par les difficultés d’accès au terrain.
Le document onusien est publié alors que les grandes puissances peinent à mettre toutes les parties d’accord sur une date pour la conférence dite «Genève 2». Mais, à supposer qu’une solution politique soit trouvée, cette guerre – plus de 120 000 victimes – a déjà mis en lambeaux le tissu socio-économique du pays.
Les déplacements massifs de Syriens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières, ont entraîné une «baisse spectaculaire de la consommation, qui a dégringolé de 18,8% en 2012, tombant même à 47% en 2013», relève le rapport. A cela s’ajoute la disparition de 2,3 millions d’emplois depuis le début de la guerre. Alex Pollock, le responsable de la microfinance de l’Unwra, estime qu’il faudra «au moins trente ans pour que l’économie syrienne retrouve son taux de croissance d’avant la guerre, soit 5% de son PIB en 2010».
Le rapport met en relief les effets collatéraux dévastateurs sur le développement humain, en première ligne la santé et l’éducation. Les auteurs relèvent que près de 3000 écoles ont été partiellement ou totalement endommagées. Sans compter celles qui, par nécessité, sont reconverties en abris pour accueillir les déplacés internes. L’abandon scolaire a grimpé en flèche: au deuxième trimestre 2013, un enfant sur deux n’allait plus à l’école.
Toujours selon le rapport, plus de 40% des hôpitaux syriens sont hors service. De nombreux malades meurent faute de soins, les épidémies sont dévastatrices, la polio, censée être éradiquée, revient en force.
Pourtant, la communauté internationale a injecté des millions de dollars pour l’aide humanitaire aux sinistrés, ainsi que des fonds spéciaux pour soutenir le développement économique. «Nous avons reçu beaucoup de soutien, surtout des Européens et des Américains, reconnaît Alex Pollock. Quelques pays arabes ont aussi apporté une mince contribution, comme l’Arabie saoudite, qui a fourni une aide alimentaire aux déplacés internes.»
Mais, selon les observateurs, cela n’a pas suffi pour sortir la Syrie de l’abîme dans lequel elle s’enfonce jour après jour. L’escalade de la guerre civile a poussé la population à se tourner vers l’agriculture, un secteur particulièrement développé auparavant, mais qui est devenu très instable au vu de la volatilité de la situation.
A la date du 6 novembre, la guerre a produit près de 3 millions de réfugiés syriens. Près de 40% d’entre eux sont des enfants de moins de 12 ans, selon l’ONU. Quant à la masse de Syriens qui ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, la barre des 9 millions sera bientôt franchie, alors que l’hiver approche.