Affaire Leonarda: la crise politique bouscule l’exécutif français

France La gauche radicale demande la démission de Manuel Valls

Elle appelle François Hollande à prendre position

En voyage dans les Antilles depuis mercredi, Manuel Valls a accéléré son retour à Paris. Impossible pour le ministre de l’Intérieur de rester plus longtemps absent de la capitale, alors que l’affaire Leonarda embrase la gauche et que la crise politique enfle chaque jour davantage. (Voir ici le résultat d’un sondage publié ce samedi qui montre le soutien des Français au ministre de l’Intérieur)

Rejoints par des étudiants et des représentants du Front de gauche, des milliers de lycéens sont à nouveau descendus dans la rue vendredi pour protester contre le renvoi de la collégienne de 15 ans et de sa famille au Kosovo, le 9 octobre. A Paris, comme en province, des lycées ont été bloqués. La clameur gonfle y compris dans les rangs socialistes. Anne Hidalgo, la candidate à la Mairie de Paris, a demandé «avec solennité» le retour en France de Leonarda; Harlem Désir, le patron du Parti socialiste et ancien de SOS Racisme, a embrayé; le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, s’est indigné: «Il y a la loi. Mais il y a aussi des valeurs avec lesquelles la gauche ne saurait transiger. Sous peine de perdre son âme.»

Leonarda s’est transformée en symbole. Sa remise à la police en vue de son expulsion du territoire, alors qu’elle participait à une sortie scolaire, pourrait représenter la goutte de trop, celle qui fait déborder l’indignation et les frustrations trop longtemps retenues par le peuple de gauche, qui ne partage ni la ligne de fermeté du gouvernement en matière de sécurité, ni sa politique économique sociale-démocrate. A vrai dire, la tension monte depuis des mois, et le couvercle de la casserole a déjà menacé d’exploser.

C’était peut-être un signe prémonitoire: à l’université d’été de La Rochelle cette année, Manuel Valls a essuyé quelques huées. Le ministre de l’Intérieur, qui recevra ce samedi matin le rapport de l’Inspection générale de l’administration sur les circonstances de l’expulsion de la collégienne, figure au cœur de la crise. Très populaire auprès des Français, mais honni par une partie de son camp qui le compare volontiers à Nicolas Sarkozy, il est régulièrement critiqué, notamment lorsqu’il défend le démantèlement de campements illégaux et le renvoi de Roms. Ses récentes déclarations sur cette population, qui a «vocation à rester dans son pays et s’y intégrer» et en majorité «ne peut pas s’intégrer en France», avaient provoqué un tollé et fait sortir de sa réserve la ministre écologiste Cécile Duflot. Manuel Valls en paie peut-être aujour­d’hui le prix. Jeudi soir, le président du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, demandait sa démission en twittant: «Demain dans la rue. Faites valser Valls.»

Le silence prudent qu’a gardé le chef de l’Etat jusqu’à présent constitue un autre élément du malaise ambiant. «Roms, expulsions: expliquez-vous, monsieur le président», exige sur sa une de vendredi le journal Libération. Pour tenter d’endiguer la crise, l’exécutif pourrait réexaminer les règles d’expulsion des jeunes sans-papiers: la présidence a notamment évoqué une possible sanctuarisation, non seulement de l’école mais aussi du «temps de vie scolaire», pour éviter qu’une expulsion puisse interrompre la scolarité d’un élève. Le gouvernement a promis de s’exprimer au cours du week-end. En attendant, c’est la compagne du chef de l’Etat, Valérie Trierweiler, qui s’est prononcée. Donnant peut-être le ton, elle a estimé qu’on «ne franchit pas certaines frontières» et que «la porte de l’école en est une».

«Demain dans la rue. Faites valser Valls»