«Plus vite le traité entrera en vigueur, mieux ce sera», a asséné José Manuel Barroso samedi à Bruxelles, en laissant entendre qu’il vaut mieux patienter encore un peu plutôt que de composer le Collège sous les règles de l’actuel Traité de Nice. «Barroso met les Polonais et les Tchèques au pied du mur, explique un de ses conseillers. Ce n’est plus à l’UE de faire des contorsions, c’est aux leaders eurosceptiques de prendre conscience de l’enjeu».
Le Premier ministre suédois et président en exercice de l’UE, Fredrik Reinfeldt l’a d’ailleurs confirmé. «Le Conseil européen est unanime dans son souhait de voir le traité entrer en action avant la fin de l’année», a-t-il ajouté. «J’ai compris que le président polonais allait signer l’acte légal d’ici peu, et j’ai invité le Premier ministre tchèque, Jan Fischer, et le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, à participer à une réunion à Bruxelles ce mercredi. Nous allons discuter de la situation et décider des actions à prendre pour faire avancer la situation», a-t-il dit.
Après l’appel à une ratification rapide lancé par le président de la Commission, cette semaine devrait donc voir successivement le Parlement européen puis le Conseil (représentant les Etats membres) hausser le ton et demander notamment des assurances de rapidité à la Cour Constitutionnelle tchèque, devant laquelle une poignée de sénateurs libéraux - fidèles au président eurosceptique Vaclav Klaus - a de nouveau déposé plainte le 29 septembre. Le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE a lieu les 29 et 30 octobre à Bruxelles.
Une autre raison de l’empressement des responsables européens à se féliciter de la décision irlandaise est la crise économique, dont l’impact explique largement le retournement des électeurs insulaires. «Le traité est bon pour le Royaume-Uni et bon pour l’Europe», a souligné le Premier ministre britannique Gordon Brown, en saluant le choix des Irlandais. Nous pouvons désormais travailler ensemble et nous concentrer sur les problèmes qui importent le plus aux Européens - un rétablissement économique durable, la sécurité, la lutte contre la pauvreté au niveau mondial et l’action face au réchauffement climatique».
Le calendrier envisagé à Bruxelles va avant tout dépendre de la Cour constitutionnelle tchèque, car le président polonais Lech Kascynski a, lui, promis de signer la ratification en cas de «oui» à Dublin. L’hypothèse la plus optimiste est que les juges, à Prague, demanderont aux sénateurs ayant déposé plainte de venir s’exprimer devant eux par oral pour justifier leurs craintes d’une perte de souveraineté nationale si le Traité de Lisbonne entre en vigueur. Ce «grand oral» pourrait conduire à une décision dés la fin du mois d’octobre ou au début novembre. Le Traité de Lisbonne entre officiellement en vigueur le premier jour du mois suivant la dernière ratification. Il doit, comme tous les Traités européens, avoir été ratifié par tous les Etats membres de l’UE.
«La France souhaite que les Etats qui ne l’ont pas encore fait achèvent le plus rapidement possible leur procédure de ratification pour que le traité de Lisbonne puisse entrer en vigueur avant la fin de l’année, comme les 27 s’y sont engagés», a renchérit le président Français Nicolas Sarkozy.
A coté du scénario vertueux envisagé - approbation tchèque en octobre ou début novembre, nomination de la nouvelle Commission dans la foulée, puis désignation du président du Conseil européen élu pour deux ans et demi que crée le Traité de Lisbonne - demeure toutefois un scénario catastrophe: celui d’une procédure tchèque si longue que rien ne serait décidé avant les prochaines léections législatives britanniques qui auront lieu au plus tard en juin 2010. Le leader conservateur David Cameron, donné grand favori, a en effet répété ce week-end qu’il retirerait la ratification de son pays pour organiser un référendum si le Traité n’est pas encore entré en vigueur au moment des élections.
Un autre suspense, qui concerne Londres également, porte sur le futur président élu du Conseil européen pour lequel le nom de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair est de plus en plus avancé. Au risque de raviver, en pleine liesse communautaire, les fractures de la guerre d’Irak de 2003-2004.