Troisième semaine de guerre et toujours pas d'issue en vue pour le conflit déclenché le 12 juillet dernier par le kidnapping de deux soldats israéliens par la milice chiite du Hezbollah. Les demandes de cessez-le-feu ont beau se multiplier, le gouvernement israélien parle, lui, d'étendre ses opérations. Bilan et explications.
• Une solution diplomatique est-elle imminente?
C'est peu probable. Après avoir suspendu pour 48 heures lundi ses frappes aériennes, afin de permettre l'évacuation des civils libanais coincés dans les décombres des villages assiégés, l'armée israélienne a reçu le feu vert du gouvernement pour élargir jusqu'au fleuve Litani la «zone de sécurité» qu'elle entend créer par la force au sud du Liban. Il est même fort probable que la reprise des bombardements aériens, annoncée pour mercredi matin, s'accompagne d'une recrudescence des incursions terrestres dans les fiefs supposés du Hezbollah. L'état-major israélien sait en effet que le temps est compté depuis le carnage de Cana samedi et la mort, dans cette localité, de 52 civils libanais dont une trentaine d'enfants. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice serait rentrée furieuse de Jérusalem où ses interlocuteurs lui avaient dans un premier temps caché cette information. L'émotion internationale et domestique suscitée par cette tragique bavure oblige donc Tsahal à faire vite. D'autant que les résultats des opérations sur le terrain sont ambigus. Les Israéliens ont beau affirmer avoir tué en trois semaines plus de 400 combattants de la milice chiite, tous les journalistes étrangers qui ont pu se rendre à Bint Jbail, épicentre des plus violents combats, ont souligné la détermination du Hezbollah et la présence active de ses cadres sur le terrain. Les civils libanais ne s'y sont pas trompés et ont fui en masse, ces dernières 48 heures, les localités les plus méridionales du pays.
• Un cessez-le-feu peut-il être imposé à Israël?
Non. Les seuls à pouvoir obtenir de l'Etat Hébreu un arrêt immédiat des combats sont les Etats-Unis, et l'on voit mal Washington tordre le bras de l'état-major israélien après l'avoir laissé poursuivre les opérations depuis le 12 juillet, et œuvrer au sein des Nations unies pour bloquer toute velléité de résolution condamnant le conflit et les bavures dont ont aussi été victimes les observateurs de l'ONU. Tout cessez-le-feu suppose donc un accord israélien. Le premier ministre Ehud Olmert a d'ailleurs affirmé mardi qu'il n'interviendrait qu'après un «changement net de la situation sur le terrain».
La question est donc de savoir quelles conditions seront mises à une interruption des hostilités. Et là, deux visions diamétralement opposées divisent les cinq grands, et également l'Union européenne. La France, qui s'est érigée depuis le début du conflit en protecteur du Liban, conditionne l'envoi d'une force internationale à un arrêt des combats et à un accord politique. Plus qu'un armistice, c'est le début d'un règlement à long terme que réclame Paris, en échange sans doute d'une participation, voire du commandement de la future force d'interposition qui, pour être efficace, devra compter selon les spécialistes entre 10 000 et 15 000 hommes, en appui de l'armée libanaise.
Les Etats-Unis, soutenus par le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas, réclament eux une «cessation des hostilités». Sous-entendu, un gel de la situation actuelle avec un maintien temporaire d'une présence militaire israélienne au sud du Liban, et d'une pression contiguë sur le Hezbollah.
Paradoxalement, c'est de l'Iran, parrain de la milice chiite avec la Syrie, que va peut-être venir un embryon de solution. Mardi, son ministre des Affaires étrangères, Manoucher Mottaki, a rencontré à Beyrouth son homologue français Philippe Douste-Blazy. Ce dernier a estimé que Téhéran «joue un rôle important de stabilisation de la région». En clair, cela veut dire que des tractations ont lieu. Avec le gouvernement libanais comme intermédiaire et un sujet à l'agenda: que veut l'Iran pour s'engager à ce que le Hezbollah abandonne le sentier de la guerre? Une réunion est prévue jeudi au siège de l'ONU à New York pour discuter de l'éventuelle composition d'une force internationale. Elle tiendra sûrement compte des discussions engagées. On parle d'une forte présence turque, pays sunnite membre de l'OTAN que l'Iran ne juge pas hostile.
• Dans quel état est le Liban après trois semaines de guerre?
La bonne nouvelle est que ce conflit n'a pour l'instant pas réveillé les fractures entre communautés, qui furent à l'origine du conflit dévastateur des années 70-90. Les chiites, qui forment environ 40% de la population, soit autant que les chrétiens, ont facilement trouvé refuge dans les régions habitées par les autres confessions: sunnites, chrétiens ou druzes. Autre élément important: le consensus perdure à Beyrouth autour du premier ministre Fouad Siniora, successeur de l'homme d'affaires sunnite Rafic Hariri assassiné en décembre 2005. M. Siniora, en refusant dimanche de rencontrer Mme Rice après le carnage de Cana, a fait preuve de courage. Il a aussi résumé le sentiment d'une bonne partie des Libanais en qualifiant l'offensive israélienne de «terrorisme d'Etat».
Le drame vécu par les civils dans le sud demeure en revanche très éprouvant pour ce petit pays de 4 millions d'habitants qui compte aujourd'hui 800 000 déplacés.