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L'idée d'un partage de Jérusalem-Est mécontente Israéliens et Palestiniens

Alors que les négociations se poursuivent à Camp David sous la houlette du chef de la diplomatie américaine, la tension monte dans les territoires occupés

La parution vendredi en première page du tabloïd Yediot Aharonot d'un sondage nettement défavorable à un compromis territorial à Jérusalem alimente les commentaires des médias, comme des milieux politiques. Septante pour cent des Israéliens se prononcent contre tout partage de la Ville sainte, alors que 23% seulement y sont favorables. Quand la ministre de l'Environnement, Dalia Itshik, a dévoilé les résultats de ce sondage à Ehud Barak au téléphone, elle dit l'avoir senti blêmir. Le premier ministre israélien est désormais prévenu: tout ce qui apparaîtra comme un bradage de Jérusalem pourrait se traduire dans les urnes du référendum sur l'accord de paix israélo-palestinien par un vote négatif. Il sait aussi maintenant que même la proposition américaine de faire passer totalement sous contrôle palestinien les quartiers arabes de Shuafat et Kalandia, ou à tout le moins de les doter de l'autonomie administrative, rencontre l'opposition de la majorité de ses compatriotes. Un compromis que les journaux israéliens, toujours volumineux le vendredi, analysent sous tous ses aspects.

Le seul à dire tout haut ce que nombre d'Israéliens se murmurent ou se refusent à entendre est Yossi Beilin, ministre de la Justice. «Sans compromis historique, il n'y a pas de paix possible», prévient-il, en ajoutant: «Tant d'efforts pour parvenir à cette paix n'auront servi à rien si Jérusalem demeure la principale pomme de discorde entre Israéliens et Palestiniens.» Yossi Beilin se montre prêt «à tordre le cou aux idées reçues, aux illusions nationalistes et religieuses, si cela peut aider les Israéliens à y voir plus clair». Le partage de la ville est, à ses yeux, un fait acquis. «Les Palestiniens, note-t-il, s'aventurent rarement en ville juive et les Israéliens préfèrent éviter les quartiers arabes.» Il est vrai que la municipalité israélienne de Jérusalem, malgré sa volonté d'unifier un tissu urbain aussi disparate, n'y est jamais parvenue, pour des raisons à la fois objectives et subjectives. Haim Doron, un des dirigeants de la formation pacifiste Meretz, claironne également: «Les 200 000 Palestiniens de Jérusalem ont des droits politiques, des aspirations à l'indépendance, qu'Israël ne peut plus se permettre d'ignorer.»

Dans les rangs palestiniens aussi, plus le sommet de Camp David se prolonge, plus l'opposition à toute concession sur Jérusalem est forte. Cheikh Ahmed Yassine, mentor des islamistes du Hamas, a profité de la cérémonie nuptiale de plusieurs dizaines de couples pour sommer Yasser Arafat de quitter Camp David avant de devoir faire des concessions «qu'il regrettera tout le temps qui lui reste à vivre». Marwan Barghouteh, responsable en chef du Fatah, annonce pour sa part une manifestation monstre de bienvenue pour Yasser Arafat afin de «fêter en héros le retour de celui qui a su résister aux pressions américaines et israéliennes».

Crainte d'un affrontement

La crainte d'un affrontement imminent augmente pourtant au sein de la population de la bande de Gaza. Signe qui ne trompe pas: les habitants se sont mis à stocker vivres, produits de première nécessité et médicaments. Les jeunes du Fatah ont reçu des fusils d'assaut et s'entraînent quotidiennement au maniement des armes. Dans les territoires occupés, la tension monte à l'approche du moment de vérité, l'annonce dans quelques jours peut-être de l'échec ou de la réussite partielle du sommet de Camp David.

A son retour du G8 sur l'île japonaise d'Okinawa, Bill Clinton proposera, selon une source israélienne, à Ehud Barak et Yasser Arafat de signer un accord de paix partiel qui mettra fin au conflit, mais repoussera à plus tard une décision sur Jérusalem. Cette idée du président américain de mettre le statut de Jérusalem entre parenthèses pour une durée indéterminée, le dirigeant palestinien aura du mal à y souscrire. Il sait que les Israéliens sont les champions de la politique des faits accomplis. En quelques années, Jérusalem peut subir un lifting qui la rendra méconnaissable, avec l'apparition de nouveaux quartiers juifs, l'extension de ceux qui existent déjà, et l'installation en masse de familles israéliennes dans les quartiers musulman et chrétien de la Vieille-Ville. Si malgré tout un accord se dessine, le président égyptien Moubarak et le roi Abadallah de Jordanie envisageraient de se rendre à Camp David pour aider à aplanir les dernières difficultés. Les deux dirigeants arabes ne prendront cependant l'avion que s'ils ont la certitude qu'un accord est à portée de main. Dans le cas contraire, ils ne feront pas le voyage de Camp David.