«En faisant main basse sur les trois républiques baltes, en 1940, Staline n’agissait pas qu’en fonction de critères politiques. Pour le dictateur soviétique, il s’offrait là une occasion inespérée d’étendre de quelque mille kilomètres son accès à la Baltique. La prise et l’occupation de Königsberg lui donnaient un motif de satisfaction supplémentaire: cette ville, aujourd’hui Kaliningrad, a été pratiquement coupée, depuis, du monde extérieur. Mais c’est devenu une base d’opérations importante pour la flotte soviétique.

Même si l’importance de la Baltique n’a jamais été comparable à celle d’une mer ouverte comme l’Atlantique, l’URSS, elle, a mis sur pied, en association avec la RDA et la Pologne, un ensemble naval qui en fait une des plus grandes puissances navales régionales. Ni l’Allemagne, ni les pays scandinaves n’ont eu les moyens de jouer les contrepoids.

De son côté, Leningrad, la plus importante ville soviétique sur la Baltique, héritait d’une protection militaire accrue et se voyait déchargée de ses tâches portuaires. En Lituanie c’est surtout Klaipeda, l’ex-Memel [en allemand], qui fut transformée en port important. Sa capacité dépasse de loin les besoins de la Lituanie. Elle sert avant tout à ravitailler l’hinterland soviétique. Et à Moscou, on souligne le fait que Klaipeda n’est économiquement justifiable et supportable que si elle peut jouer le rôle de port russe: elle est évidemment surdimensionnée pour un pays tel que la Lituanie.

L’autre fonction de la zone balte, c’est sa position géostratégique. C’est une ceinture orientée au Nord-Est, et sur laquelle l’URSS a bâti un système de défense aérienne très concentré. Les militaires soviétiques sont partis du point de vue qu’une attaque aérienne occidentale serait plus efficace à partir de la Baltique que d’Europe de l’Ouest, qui nécessiterait un survol de l’Europe centrale. La trajectoire des missiles américains passe effectivement par le nord-ouest.

Voilà qui explique pourquoi l’Union soviétique, au début des années 60, a commencé à construire un système de missiles à proximité de Tallinn. Contrairement aux suppositions occidentales, il ne s’agissait pas véritablement d’un système missile antimissiles (ABM); il n’en reste pas moins qu’on a affaire, ici, à un système de défense aérienne sans cesse perfectionné. […]

Les Baltes s’identifient difficilement à l’URSS. Ce qui explique le nombre croissant de déserteurs lituaniens. Moscou a d’ailleurs clairement donné à entendre qu’il prendrait des mesures plus strictes à leur égard. Aux yeux des responsables militaires soviétiques, ces désertions confirment, s’il est besoin, que, pour la cohésion de l’Union, il serait malvenu de ne maintenir dans ces républiques que des forces recrutées sur place. Cela ne ferait que conduire à la création d’armées des républiques, qui ne peuvent que renforcer les tendances centrifuges actuelles et rendre plus difficile encore le contrôle exercé par Moscou. Imaginez un instant, disent-ils, que la Lituanie n’abrite que des unités formées de Lituaniens: leur intégration à l’armée soviétique et le contrôle des installations militaires – aéroports, installations portuaires, et même les centrales atomiques – ne seraient pas possibles sans un appui militaire massif venu de l’extérieur. […] »

« Klaipeda, l’ex-Memel, fut transformée en port important. Sa capacité dépasse de loin les besoins de la Lituanie. Elle sert avant tout à ravitailler l’hinterland soviétique »

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