Le nouveau bateau affrété par les ONG françaises SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières, l'Ocean Viking, a entamé dimanche 4 août sa première mission de sauvetage de migrants au large de la Libye, sans savoir quels ports l'accueilleront où si les eaux italiennes lui seront fermées.

Pour sa première campagne, après l'abandon en décembre de l'Aquarius, privé de pavillon, SOS Méditerranée, dont le navire a quitté le port français de Marseille à 22H00, ne doute pas de devoir secourir de nombreux candidats au départ.

«Beaucoup de traversées ont lieu en ce moment, c'est lié aux conditions météo estivales mais aussi à la situation en Libye, devenue un véritable repoussoir. Ce qui explique que les gens prennent encore plus de risques qu'auparavant», estime Frédéric Pénard, 43 ans, directeur opérationnel de l'organisation.

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Côté politique, le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) a signé deux nouveaux arrêtés interdisant aux bateaux humanitaires de pénétrer dans les eaux territoriales italiennes: au moins 164 migrants, dont des femmes, des enfants, secourus par les ONG espagnole ProActiva et allemande Sea-Eye, étaient toujours bloqués en mer vendredi.

En première ligne

En l'absence d'accord entre Etats européens pour accueillir les rescapés, le gouvernement italien barre l'accès à ses ports, situés en première ligne face aux côtes libyennes: les équipes de l'Ocean Viking - 13 personnes pour SOS Méditerranée, dont neuf marins secouristes; neuf pour MSF dont un médecin, une sage-femme, un médiateur culturel, plus l'équipage, soit 31 personnes au total - se préparent donc à une possible errance côtière.

Si les navires des ONG «entrent dans les eaux territoriales italiennes, nous les saisirons un par un. On verra bien qui se fatiguera en premier», a déjà prévenu jeudi Matteo Salvini.
Affrété en Norvège, aménagé en Pologne, l'Ocean Viking a fini d'être préparé cette semaine à Marseille (sud) d'où il a appareillé: le bâtiment de 69 m, battant pavillon norvégien, devrait atteindre la principale zone de naufrage, la Méditerranée centrale, en deux à trois jours.

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La Méditerranée, dont la surface ne représente qu'1% des océans de la planète, est pourtant devenue la route maritime la plus meurtrière au monde. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 840 personnes y ont disparu depuis le début de l'année, dont 576 en Méditerranée centrale - sans compter les naufrages non répertoriés.

«Il est clair qu'il faut agir d'urgence pour sauver des vies. Et c'est justement notre mission», justifie Sam Turner, chef de mission MSF en Libye qui, outre le dernier naufrage majeur survenu le 25 juillet (au moins 110 morts et disparus), évoque aussi les conditions «inhumaines» en vigueur dans les centres de rétention en Libye, qui poussent les gens à partir à tout prix.

«Forcé d'agir»

«On est forcé d'agir en raison du manque de ressources disponibles en Méditerranée centrale, et faute de réaction de la part de l'Europe. Si l'Europe agissait, il n'y aurait pas besoin des ONG», martèle-t-il.

Or, depuis la fin de l'Aquarius - qui a secouru 30'000 personnes en trois ans - ne subsiste qu'une poignée de bateaux humanitaires à flots, dont l'Alan-Kurdi, de Sea-Eye et l'Open Arms, de Proactiva. Le bateau de l'organisation Sea-Watch a été placé sous séquestre en Italie en juin après que sa capitaine avait forcé le blocus. Dans ce contexte, il aura fallu sept mois à SOS Méditerranée pour trouver un nouveau navire et un armateur prêt à jouer le jeu.

Jusqu'aux dernières heures avant le départ, les grues se sont affairées autour de ses flancs rouges et blancs; son vaste pont arrière, entravé de conteneurs juxtaposés, offre des salles de repos séparées pour les femmes et les enfants, une clinique, des centaines de gilets de sauvetage, des tonnes de vivres et de carburant - l'eau est désalinisée à bord.

Le navire devrait être capable de recevoir 200 à 300 personnes. D'une capacité légèrement supérieure, l'Aquarius avait dû, un temps, abriter un millier de naufragés, rappelle SOS Méditerranée.