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Pour l’OMS, parler de pandémie est «prématuré»

Malgré l’accélération de l’épidémie de Covid-19 hors de Chine, le directeur général de l’OMS estime que décréter la pandémie ne correspondrait pas aux faits du terrain, mais attiserait inutilement les peurs. L’OMS estime que la Suisse ne doit pas fermer ses frontières

Tedros Adhanom Ghebreyesus, 
              le directeur général de l’OMS, à son arrivée à Genève, le 24 février 2020. — © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
Tedros Adhanom Ghebreyesus,  le directeur général de l’OMS, à son arrivée à Genève, le 24 février 2020. — © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi

Face à l’irruption soudaine de dizaines de cas de Covid-19 en Italie, en Iran et en Corée du Sud, l’Organisation mondiale de la santé garde son calme. Lundi, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a certes jugé «très préoccupantes» les situations italienne, iranienne et sud-coréenne. Mais il a aussi laissé transparaître une lumière d’espoir: «En Chine, l’épidémie de Covid-19 a atteint son pic entre le 23 janvier et le 2 février. Elle est désormais sur le déclin.»

Le nombre d’infectés dépasse les 77 000 et le nombre de morts les 2200. Mais le nombre de cas identifiés lors des dernières vingt-quatre heures (lundi) a diminué. «Ce fait offre un espoir à tous les pays: le virus peut être contenu», a poursuivi le directeur général de l’OMS. A en croire le chef de mission de l’OMS en Chine et à Wuhan, Bruce Aylward, les mesures draconiennes prises par la Chine pour contrer l’épidémie ont probablement permis de «sauver des centaines de milliers de personnes».

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«Nourrir des peurs»

Malgré une apparente accélération de l’épidémie, le docteur Tedros estime qu’il n’est pas indiqué de déclarer une pandémie de Covid-19: «Le terme pandémie ne correspondrait pas aux faits actuels. Il ne ferait que nourrir les peurs.» Pour l’OMS, la capacité de la Chine et d’autres pays à limiter la transmission du coronavirus plaide pour le statu quo, à savoir l’état d’urgence sanitaire de portée internationale. «La baisse significative de cas en Chine va à l’encontre de la logique d’une pandémie», insiste Michael Ryan, chef du programme d’urgence au sein de l’OMS.

«Nous n’en sommes pas encore là, renchérit le docteur Tedros. Le monde n’est pas une réalité en noir et blanc. C’est plus complexe.» Quant au virus lui-même, son ADN n’a pas subi de changement significatif. Son taux de mortalité demeure plus ou moins le même, entre 2% et 4% à Wuhan, et 0,7% hors de cette ville. En Iran, le taux de mortalité apparemment très élevé n’est pas un indicateur fiable tant qu’on ne connaît pas l’ampleur exacte des gens infectés. Les nombreux cas identifiés soudain en Iran s’expliquent difficilement. Mais Michael Ryan n’exclut pas que le coronavirus soit présent dans la République islamique depuis plus longtemps qu’on ne l’imagine.

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Pour l’heure, il est davantage question d’épidémies dans plusieurs régions du monde, lesquelles ont chacune leur histoire propre, que d’une pandémie. Les mesures à prendre dépendent fortement du contexte régional voire local. On ne parle ainsi pas de pandémie quand la grippe saisonnière affecte plusieurs régions du monde. L’OMS ne baisse néanmoins pas la garde. Elle a envoyé une équipe de spécialistes en Iran qui devrait être opérationnelle à partir de mardi. En Italie, elle en a fait de même ces derniers jours. Michael Ryan le relève: deux scénarios parmi d’autres sont possibles: la transmission du Covid-19 pourrait s’arrêter et le virus être contenu, mais toujours présent un peu comme la grippe saisonnière. Ou, dans le pire des cas, on assiste à une vaste pandémie.

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Action collective convertée

Les principales recommandations de l’OMS sont pragmatiques: les Etats doivent chacun se préparer au mieux à une éventuelle pandémie. Les travailleurs sanitaires doivent être protégés en priorité. Les communautés doivent mettre l’accent sur la protection des personnes les plus vulnérables, les personnes âgées et celles déjà affectées par des maladies. Le docteur Tedros juge aussi primordial de protéger les pays les plus vulnérables. C’est le cas de plusieurs pays africains qui ont certes une grande expérience pour détecter des virus (choléra, fièvre jaune, polio, etc.), mais des systèmes de santé pas toujours suffisamment robustes pour faire face à une telle épidémie. Le besoin d’une action collective concertée et à long terme est indispensable.

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Interrogé par Le Temps, Michael Ryan le relève: même si l’Italie du Nord connaît des cas de Covid-19, «la Suisse coordonne son action avec l’Union européenne. Il n’est donc pas question de fermer les frontières, mais de coordonner au mieux les différentes politiques sanitaires menées. Le risque zéro n’existe pas. Nous ne pouvons pas fermer tous les pays.»

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