«Nous n’approchons pas ces négociations en nous attendant à échouer, mais en anticipant le succès.» La première phrase de Theresa May, pour présenter jeudi le livre blanc sur le Brexit, se voulait résolument optimiste. Sept mois après le référendum, la première ministre britannique a enfin une position (relativement) claire de négociation pour entamer le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le livre blanc redit, avec quelques détails supplémentaires, ce qu’elle avait annoncé mi-janvier: Londres veut un Brexit «dur», en sortant du marché unique et probablement en sortant de l’union douanière. Pas question de rester à moitié dans les institutions européennes.

De plus, Theresa May bénéficie désormais du feu vert politique. Mercredi soir, la Chambre des communes a voté à une immense majorité (498 députés pour, 114 contre) en faveur de déclencher l’article 50 du traité de Lisbonne, qui marquera le début officiel des négociations avec les 27 membres restant de l’UE. Certes, le processus parlementaire n’est pas fini et la Chambre des lords doit encore se prononcer, mais il n’y a presque aucun doute: Theresa May va pouvoir tenir sa promesse et déclencher l’article 50 d’ici à fin mars.

Du coup, la presse britannique eurosceptique triomphe. «Nous avons décollé!», titre le Daily Mail. «Nous sommes en chemin pour quitter l’UE», ajoute en énormes caractères le Daily Express.

Le problème est que ces discussions internes au Royaume-Uni oublient l’essentiel: la position des Européens dans les négociations à venir. «Les Britanniques vivent en vase clos depuis sept mois. Ils sont dans l’illusion complète, soupire un diplomate européen en poste à Londres. Ils négocient entre eux et ils ont beaucoup de mal à comprendre le point de vue européen.» Il prédit des négociations très dures.

Le prix du divorce: de 40 à 60 milliards

L’ancien ambassadeur britannique basé à Bruxelles, Ivan Rogers, confirme. Un mois après sa démission spectaculaire pour cause de divergence de vue avec Downing Street, il est venu témoigner devant un comité parlementaire mercredi. Selon lui, les négociations vont inévitablement sombrer dans les «insultes», avec une «atmosphère très tendue». Elles seront «d’une dimension sans précédent» et il estime qu’il est improbable que tout soit réglé d’ici à deux ans, la durée prévue par l’article 50.

Le premier blocage sera la demande des Européens pour que les Britanniques versent 40 à 60 milliards d’euros pour solde de tout compte. Cette somme est le coût du divorce: elle comprend notamment les retraites des Britanniques qui travaillent pour l’UE, mais aussi les engagements financiers que l’UE a déjà pris pour des programmes à venir. «Si on prend l’exemple d’une route en Estonie, qui doit être construite dans les prochaines années: les Britanniques ont fait partie de cette promesse et doivent payer leur part», explique le même diplomate européen. Face à une telle perspective, Theresa May en viendra peut-être à regretter ses difficultés de politique intérieure.