Un interminable rectangle de tables blanches, deux gros bouquets de fleurs au milieu pour égayer une moquette grise. C’est dans ce décor que les négociations sur la formation d’une grande coalition ont commencé hier au siège de la CDU d’Angela Merkel. Pendant les semaines à venir, une véritable mini-assemblée constituante va rédiger la feuille de route du gouvernement Merkel 3.
Sorti victorieux des élections du 22 septembre, le camp de la chancelière (CDU/CSU) a délégué 45 représentants. Ils siégeront avec 30 sociaux-démocrates (SPD) pour les séances plénières. Si l’on ajoute les membres des douze groupes et quatre sous-groupes de travail thématiques, près de 200 personnes vont participer activement à ces négociations.
De la composition des groupes aux lieux des réunions (en alternance au siège de la CDU, du SPD et à la représentation bavaroise pour la CSU), tous les éléments conjuguent subtilement paritarisme et rapport de force sorti des urnes.
«Sérieuses controverses»
En 2005, lors de la formation de la précédente grande coalition droite-gauche, les partis avaient vu moins grand. Ce format «mammouth» doit permettre d’inclure toutes les sensibilités. Ce besoin se fait sentir en particulier au SPD, où une frange du parti reste sceptique sur la constitution d’une nouvelle alliance avec Angela Merkel.
«L’élaboration d’un contrat de coalition n’est pas la poursuite de la campagne électorale par d’autres moyens», rappelle le secrétaire général de la CDU, Hermann Gröhe. Le dirigeant conservateur s’attend néanmoins à de «sérieuses controverses» entre les partenaires. En cas de difficulté, les patrons des trois formations régleront les litiges entre six yeux.
Malgré des rapprochements ces derniers temps, les deux camps devraient ferrailler sur la question du salaire minimum. Pas tant sur son principe que sur ses modalités. «La question est de savoir si on laisse la sphère politique en fixer le montant ou si on confie aux partenaires sociaux le soin de déterminer les modalités», estime le député conservateur Andreas Schockenhoff, réputé proche de la chancelière.
Le SPD a fait d’un salaire minimum légal de 8,50 euros de l’heure (10,45 francs) la condition sine qua non de sa participation au gouvernement. Mais une partie de la CDU et les fédérations d’entrepreneurs sont vent debout contre cette mesure, dans un pays où les conventions collectives ont historiquement régulé le marché du travail. Ils brandissent la menace de pertes d’emplois pour les moins qualifiés et dans l’est du pays, où les salaires sont plus faibles.
Consensus énergétique
Les hausses d’impôts constituent un autre point de friction. Les conservateurs sont strictement contre, la République fédérale n’ayant jamais engrangé autant de recettes fiscales. Le SPD juge pourtant que les importants programmes d’investissement dans les infrastructures, l’éducation ou l’amélioration de la situation des retraités pauvres, points sur lesquels les deux camps se rejoignent, ne peuvent être financés autrement.
On peut s’attendre également à quelques passes d’armes sur la politique familiale et l’introduction d’une vignette autoroutière pour les étrangers, chère aux Bavarois de la CSU.
La réforme de la transition énergétique fait en revanche partie des dossiers où la convergence est probable. Face à la grogne sur l’augmentation continue de la contribution pour le financement des énergies vertes, les deux camps n’ont de toute façon pas d’autre choix que de s’entendre.
La première séance a été expédiée en 90 minutes hier. C’était l’heure des politesses d’usage et de l’organisation des groupes de travail. Mais rendez-vous a été pris mercredi prochain pour une nouvelle séance plénière. Décidés à prendre leur temps, les délégués ont bloqué neuf dates jusqu’à fin novembre. Le gouvernement pourrait prêter serment un peu avant Noël. Au préalable, le contrat de coalition devra notamment être validé par les 470 000 membres du SPD, un vote dont l’issue est encore incertaine.