L’ONU entame sa nouvelle mission
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La Minusma commandée par un général rwandais est lancée un mois avant l’élection présidentielle. Elle devrait compter 12 600 soldats d’ici à la fin de l’année
C’est une mission à hauts risques que l’ONU a officiellement entamée, lundi, au Mali. Une courte cérémonie à Bamako a donné le coup d’envoi de la Mission des Nations unies de stabilisation du Mali (Minusma), moins d’un mois avant la tenue du scrutin présidentiel du 28 juillet, tant voulu par Paris, mais jugé précipité par certains Maliens et observateurs étrangers.
Les quelque 6000 hommes de la force africaine déployés au Mali dans le sillage de l’opération «Serval» ont troqué hier leur uniforme national pour coiffer le casque bleu. Parmi les principaux contingents figurent les Tchadiens (2000 hommes), les Sénégalais (800 hommes), les Togolais (750), les Nigériens et les Burkinabés (autour de 700 hommes). Ils sont, pour l’essentiel, présents dans le nord du Mali – notamment à Gao et Tombouctou –, d’où les forces françaises ont chassé les groupes djihadistes.
A terme, ils devraient être rejoints par des contingents venus du Bangladesh et de Chine (génie et personnel médical). La Suède et la Norvège ont annoncé une participation symbolique. L’ensemble de la force – dont les effectifs sont censés atteindre 12 600 soldats d’ici à la fin de l’année – est commandé par un officier rwandais, le général Jean-Bosco Kazura. Ironie de l’histoire: proche du président Paul Kagamé, cet officier a combattu les troupes françaises dans les rangs des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) au début des années 1990. L’actuel patron de l’opération «Serval», le général Grégoire de Saint-Quentin, œuvrait alors comme instructeur aux côtés de l’armée gouvernementale rwandaise, qui par la suite participera massivement au génocide.
Mais la roue tourne, et face au risque bien réel d’attaques terroristes, le patron rwandais de la force onusienne au Mali aura besoin du soutien crucial de l’armée française, toujours très présente au Mali. Au terme de la résolution 2100, les troupes de «Serval», lourdement armées et disposant d’hélicoptères d’attaque, seront chargées d’appuyer les Casques bleus si nécessaire, voire d’intervenir directement en cas de menace djihadiste. Paris, qui compte beaucoup sur le déploiement des Casques bleus pour réduire ses effectifs militaires, maintient actuellement 3200 soldats français sur place. Plus que le gouvernement de François Hollande escomptait.
L’épine de Kidal
Déterminé depuis le premier jour de l’intervention française en janvier dernier à éviter toute forme d’enlisement, qui plus est dans une ancienne colonie, le chef de l’Etat se dit «intraitable» sur la tenue rapide de l’élection présidentielle au Mali. Au risque d’alimenter les critiques sur une ingérence de type «néocolonial» à Bamako, mais aussi, redoutent les experts de l’International Crisis Group, de propulser au pouvoir à Bamako un président mal élu, et donc en mal de légitimité pour mener à bien le délicat processus de réconciliation au sein d’un pays profondément divisé.
Certes un accord a été trouvé récemment pour désamorcer, au moins provisoirement, la bombe à retardement de Kidal (nord), une localité contrôlée par les ex-indépendantistes touareg. Mais rien n’est réglé sur le fond entre les peuples du sud et les populations touareg et arabes, tenues collectivement pour responsables à Bamako du chaos qui a régné au Mali l’an dernier, jusqu’à l’intervention française. La semaine dernière, le président de la Commission électorale malienne estimait nécessaire de décaler l’élection pour assurer sa réussite. Paris a aussitôt affirmé le contraire. L’intendance suivra.