«L’opposition ukrainienne n’est pas prête pour les élections»

Europe La rue a une nouvelle revendication, celle de réduire les pouvoirs constitutionnels de Viktor Ianoukovitch

D’un côté, le président Viktor Ianoukovitch, qui serait favorable à l’organisation d’élections législatives anticipées, selon l’un de ses proches. De l’autre, l’opposition, qui revendique désormais une modification de la Constitution en vue de réduire les pouvoirs présidentiels. C’est dans ce contexte que la commissaire Catherine ­Ashton, responsable des Affaires étrangères, est revenue mardi à Kiev dans le but de trouver une issue à la crise qui paralyse le pays depuis deux mois.

Michael Leigh, politologue auprès du German Marshall Fund, un centre d’analyses politiques à Bruxelles, décortique les derniers développements.

Le Temps: L’Ukraine se dirige-t-elle vers la fin de la crise?

Michael Leigh: Je crains que le régime, en pensant que les attentions seront braquées ces prochains jours sur les Jeux de Sotchi, ne soit tenté d’écraser le mouvement de contestation. Soit en décrétant l’état d’urgence ou en emmenant des troupes supplémentaires pour vider la place Maïdan. Les dirigeants occidentaux doivent faire comprendre clairement que cela ne ferait qu’exacerber la crise.

– Des élections législatives anticipées comme Kiev l’a suggéré mardi seraient-elles un pas en avant?

– Le plus important est que le pays puisse se préparer à organiser des élections démocratiques. Le scrutin présidentiel est prévu pour 2015. Qu’il ait lieu dans les meilleures conditions.

– Mais on parle d’élections législatives anticipées…

– L’Ukraine n’est pas prête pour les élections. Elle a besoin de plus de temps pour laisser émerger des dirigeants nationaux capables d’offrir une vision alternative pour l’avenir du pays. Ceux qui sont sur le front aujourd’hui ne sont pas suffisamment prêts à assumer cette responsabilité. Par ailleurs, je n’ai pas d’information confirmant une volonté d’organiser des élections législatives anticipées.

– Quel est le sens des va-et-vient incessants à Kiev des commissaires Catherine Ashton et Stefan Füle, respectivement aux Affaires étrangères et à l’Elargissement?

– L’Union européenne doit continuer à donner un message sans ambiguïté au régime et souligner que les violations des droits humains ne resteront pas impunies. L’UE doit également donner un message d’espoir aux Ukrainiens. Les contacts réguliers servent aussi à rassurer les Ukrainiens que l’UE se tient à leurs côtés et que le projet d’accord d’association est toujours sur la table.

– Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a appelé à des sanctions contre le pouvoir ukrainien. Y êtes-vous favorable?

– La priorité de l’heure est de créer les conditions qui donnent confiance à la population et qui ouvrent la voie à des élections. Les sanctions ne sont pas les plus indiquées pour cela. Il ne faut toutefois pas exclure des mesures ciblées contre des individus qui violent les droits humains.

– L’UE et les Etats-Unis sont apparemment en train de préparer un plan d’aide pour l’Ukraine. Une urgence, n’est-ce pas?

– Je ne suis pas au courant de propositions spécifiques. Mais l’UE dispose de plusieurs possibilités. Il y a déjà l’enveloppe de 610 millions d’euros mise en avant dans le cadre de l’accord d’association. La Banque européenne d’investissement ainsi que la Banque européenne de reconstruction et de développement sont déjà sur place et peuvent participer au financement de davantage de projets.

– Mais avec quels interlocuteurs du côté ukrainien?

– Un gouvernement provisoire et apolitique devrait prendre la relève. Sa tâche prioritaire: négocier un programme d’ajustement structurel avec le Fonds monétaire international. L’UE et les Etats-Unis pourraient y apporter leur soutien.

– Quelle est votre lecture de la déclaration du commissaire Stefan Füle, qui a souligné que l’UE pourrait offrir une perspective d’adhésion à l’Ukraine?

– Ce serait un pas dans la bonne direction, mais plusieurs Etats membres y seraient opposés.