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L'OTAN sait que l'Afghanistan ne sera pas gagné par les armes

Le sommet de Riga a montré que les Etats ne sont pas prêts à payer le prix de la stabilisation.

Faire de l'Afghanistan un anti-Irak: le pari défendu par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) lors de son sommet de Riga, les 28 et 29 novembre, est loin d'être gagné. Dimanche, les talibans ont encore fait la preuve de leur pouvoir de nuisance en affirmant avoir détruit un hélicoptère civil de l'ISAF, la force internationale de 32000 hommes sous commandement de l'OTAN. Alors que, sur le terrain, les troupes alliées n'ont toujours pas les coudées aussi franches que le voudraient notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

A Riga, le commandant suprême des forces alliées en Europe, le général américain James Jones, a été clair. La situation militaire en Afghanistan, a-t-il expliqué, souffre de deux maux: le manque de mobilité des troupes, lié aux restrictions d'engagement imposées par certains alliés, et l'état de délabrement du gouvernement afghan du président Hamid Karzaï, miné par la corruption et le trafic de drogue. D'où sa demande d'un renfort de 2500 soldats supplémentaires, et d'une clause de «réaction rapide» pour permettre aux contingents moins sollicités de voler au secours des forces au contact des talibans.

La seconde demande a été acceptée du bout des lèvres par la France, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. Paris en a profité pour rappeler son opposition à un élargissement du partenariat de l'OTAN à d'autres pays contributeurs de troupes comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et le Japon, estimant que l'alliance doit se consacrer à sa «vocation première».

Peu de pays sont prêts à envoyer des policiers

L'Allemagne, elle, est handicapée par des limites constitutionnelles à l'emploi de ses forces dans les opérations extérieures. Berlin est également à la peine sur le dossier jugé crucial de la police afghane, qui lui a été confié. Une mission d'experts du Conseil européen, sous direction allemande, a quitté Bruxelles et doit livrer ses recommandations avant que la République fédérale n'assure la présidence de l'Union au 1er janvier. Problème: peu de pays sont prêts à envoyer des policiers en Afghanistan. Et ceux qui, à Bruxelles, voient ce dossier d'un bon œil, demandent à ce que cela se fasse en dehors de l'OTAN...

La demande de renforts a essuyé un refus. La Pologne a eu beau, à Riga, promettre un millier d'hommes et la République tchèque en proposer 225, cela ne suffira pas. Les modalités d'emploi des 32000 soldats de l'OTAN, qui mènent en Afghanistan depuis 2003 la mission la plus ambitieuse de son existence ne vont donc pas changer drastiquement. Ce qui renvoie l'Alliance, mais aussi ses partenaires que sont les Nations unies, les Etats-Unis et le gouvernement afghan à la question de la stratégie politique à adopter. «Le sommet de Riga n'a pas donné le top départ à un redéploiement militaire décisif, confirme un diplomate. Il a au contraire démontré le consensus existant entre les 26 alliés, sur la nécessité d'une sortie de crise civile.»

Cette sortie, pour l'OTAN, a un nom: les PRT ou Provincial reconstruction team. Ces unités civilo-militaires œuvrent, dans le sillage des soldats, à l'amélioration des conditions de vie de la population et sont aujourd'hui en première ligne du conflit. Mais leur impact dépend de la sécurité et de leurs interlocuteurs afghans. «Si le gouverneur de la province est pourri, la mission du PRT est impossible», explique un journaliste de retour de Kandahar. Ces officines humanitaires de l'alliance sont aussi dénoncées par les ONG, qui y voient un dangereux mélange des genres susceptible d'amener les talibans à voir dans tout acteur impliqué dans la reconstruction une cible potentielle.