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L'UÇK a placé sur ses «listes noires» plusieurs hommes politiques albanais

Les organisations internationales craignent que la campagne des prochaines élections municipales, prévues en octobre, ne soit l'occasion d'affrontements entre les différents partis albanais

Cela ressemble à une série de devinettes. Sur cette liste qui compte plusieurs chiffres, chaque numéro est suivi d'un qualificatif. Au numéro 101 est ainsi accolé un mystérieux «foulard». Le 102 est un «professeur». Quant au numéro 103, il est suivi d'un énigmatique «docteur». Une autre liste qui reprend séparément les mêmes chiffres semble donner la clé du problème. Le numéro 101 correspond ici à Ibrahim Rugova, l'ancien «président» de la République du Kosovo, dont l'éternel foulard noué autour du cou a contribué à le rendre célèbre. Le «professeur» est le sociologue Fehmi Agani, proche de Rugova. Le «docteur», Bujar Bukoshi, une autre personnalité kosovare.

Ces listes, publiées récemment par le quotidien Bota Sot font grand bruit au Kosovo. Selon ce journal, qui les a reprises d'un magazine albanais, Tema, il s'agit là de documents secrets de l'ancienne UÇK (Armée de libération du Kosovo) qui dévoilent autant de cibles «politiques» à abattre, au sens littéral du terme. Bien plus: l'UÇK aurait dépensé 1,2 million de marks allemands pour tenter «d'éliminer» physiquement ses rivaux politiques. De fait, plusieurs des personnes apparaissant sur ces listes, tels le directeur du Centre d'information du Kosovo, Enver Maloku, ou encore le journaliste Ali Ukaj, ont été tuées dans des attentats, avant ou après l'intervention de l'OTAN au Kosovo.

D'ores et déjà, l'UÇK a contesté la véracité de ces listes qui portent cependant le timbre et la signature de l'ancien chef des «services secrets» de l'organisation, Bislim Zypari. Les journalistes de Tema laissent entendre que la KFOR, la force de paix internationale présente depuis un an au Kosovo, ne serait pas étrangère au fait que ces noms soient aujourd'hui en leur possession. A de nombreuses reprises, les soldats de la KFOR ont entrepris des perquisitions dans les locaux de la guérilla albanaise.

Ces révélations sur les méthodes particulièrement violentes de l'UÇK à l'égard de ses ennemis politiques tombent en pleine préparation des premières élections à se tenir dans la province depuis qu'elle est administrée par les Nations unies. Vingt-sept partis participeront à ce scrutin, dont l'OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe) confirmait en début de semaine qu'il aura lieu en octobre prochain. Alors que l'une des préoccupations de l'administration de Bernard Kouchner a été jusqu'ici de garantir une participation serbe, même symbolique, les craintes commencent aussi à poindre sur les risques d'affrontements violents entre partis albanais qui pourraient parsemer la campagne.

Il y a quelques jours, la figure montante de l'ex-UÇK et président de l'Alliance pour le futur, Ramush Haradinaj, a été blessé dans des circonstances mal définies, mais qui semblent prouver qu'il se préparait lui-même à mener un assaut armé contre un clan rival que l'on dit proche d'Ibrahim Rugova. Haradinaj, qui fut commandant de la guérilla, est actuellement soigné dans un hôpital en Allemagne.

L'autre grande figure issue de l'ex-UÇK, Hashim Thaçi, participera lui aussi aux élections sous la bannière du Parti démocratique du Kosovo (PDK). Considéré à tort ou à raison comme de plus en plus impopulaire, Hashim Thaçi semble avoir choisi la voie de la radicalisation. Il vient par exemple d'annoncer, début juillet, qu'il se retirait des institutions créées par l'ONU au motif qu'il n'avait pas été informé de la réintégration au sein de celles-ci de la minorité serbe. C'est peu dire que Thaçi et Ibrahim Rugova – qui pour sa part se tient dans une réserve qui semble électoralement payante – sont à couteaux tirés. Les deux rivaux refusent même de se rencontrer.

Reste encore, pour compléter cette course aux élections municipales qui devrait servir de premier indicateur des forces en présence, le Parti libéral du Kosovo, dirigé par Gjergj Dedaj. Tout comme celui d'Ibrahim Rugova, le nom de Gjergj Dedaj figure sur les listes établies par l'ex-UÇK. Il porte le numéro 112 et il est placé à côté du restaurant où l'on peut fréquemment le rencontrer.