Nicolas Sarkozy a bien changé. Au début de sa présidence de l’Union européenne l’an dernier, le chef de l’Elysée ne tarissait pas d’éloges sur Gordon Brown et le Royaume-Uni. «Londres est la porte ouverte de l’Europe sur le monde. C’est une chance que nous devons savoir saisir», aimait-il à répéter. Mais la crise est passée par là et les diplomates français, à la veille du sommet de Londres, ne se sont pas privés d’exprimer leurs «inquiétudes européennes» devant le risque d’un axe Obama-Brown: «La France et l’Allemagne n’ont pas d’autre choix que de taire leurs divergences, juge un expert. Au fond, Paris et Berlin mettent les irresponsables de la City et de Wall Street dans le même sac.»

Le premier ministre britannique, président du G20, a pourtant fait des efforts. Il était encore, la semaine dernière, au Parlement européen où il a qualifié l’UE «de symbole d’espoir pour le monde entier». Mais l’hémicycle était à demi-vide. Le suspense autour des «paradis fiscaux», que sont les territoires dépendants britanniques, et des «trusts» empoisonne aussi le climat. La réputation de libre-échangiste des Britanniques pèse aussi. «Beaucoup ont gardé, à Bruxelles et Strasbourg, le souvenir de Gordon Brown ministre, faisant tout pour éviter les Conseils européens et faisant la leçon sur le modèle britannique. Alors…», soulignait cette semaine The Economist.

Fidèle allié de Washington

Les Européens savent ce que coûte en permanence à l’UE, le pragmatisme de Downing Street. Londres, fidèle allié de Washington et pilier de l’OTAN, freine ainsi toujours la politique européenne de défense. D’où les inquiétudes après l’annonce par Airbus, juste avant le G20, que l’avion militaire A400M, symbole des futures capacités de projection de forces communautaires, ne pourra pas être fabriqué. «Une fois de plus, les Anglais vont se tourner vers les Etats-Unis», juge un spécialiste.

S’y ajoute l’équation politique. Gordon Brown est fragile. Le spectre des élections pèse sur le Royaume-Uni. Les conservateurs ont déjà annoncé qu’ils quitteraient, après les élections européennes de juin, le groupe PPE de la droite modérée à l’Europarlement pour faire cavalier seul. Ils ont aussi promis un référendum sur le Traité de Lisbonne. Bref, l’UE veut «gagner» la partie au G20. Mais avec quelques doutes sur le «soldat Brown».