Au début de cette année, les terroristes Amedy Coulibally et les frères Kouachi ont fait couler le sang à Charlie Hebdo et dans une supérette cacher à Paris à l’aide de kalachnikovs achetées en Slovaquie. Ayoud El Khazzani, le terroriste qui avait prémédité un massacre à bord du Thalys sur le trajet Amsterdam-Paris en août dernier, s’était procuré d’un fusil d’assaut composite AKM à Bruxelles. Lors des attentats commis à Paris le 13 novembre dernier qui ont fait 130 morts et des dizaines de blessés, les terroristes avaient tiré sur le public avec des mitraillettes achetées à Stuttgart.

«Vous pouvez vous en procurer sans difficulté dans toutes les grandes villes européennes qui connaissent la criminalité, commente le belge Nils Duquet de l’Institut flamand de la paix. Le marché noir ne concerne pas que quelques pays; c’est un problème européen. «Ce spécialiste d’armes à feu accueille favorablement le plan d’actions présenté mercredi par la Commission européenne pour lutter contre le trafic d’armes et d’explosives. Selon lui, les législations nationales ont de nombreuses lacunes que les trafiquants savent exploiter. En effet, au lendemain des attentats de Paris le mois dernier, la Commission avait promis d’accélérer la présentation de son plan visant à empêcher les criminels et les terroristes d’accéder aux armes. «C’est notre première réponse aux atroces attaques du 13 novembre à Paris», a déclaré mercredi le vice-président Franz Timmermans, premier vice-président de la Commission.

Le plan d’actions vise avant tout à améliorer la coopération en matière d’échange d’informations et opérationnelle entre les pays de l’Union européenne (UE), mais aussi avec les pays tiers pour détecter et saisir les armes. Pour Nils Duquet, il s’agit d’une initiative importante dans la mesure où les Etats nationaux rechignent à partager des données. Il affirme que l’UE doit porter une attention particulière aux pays des Balkans où des centaines de milliers d’armes légères employées jadis dans les diverses guerres qui ont déchiré l’ancienne Yougoslavie, sont toujours en circulation. «Des trafiquants dissimulent facilement de petites quantités dans des camions ou des autobus, dit-il. Une fois à l’intérieur de l’espace Schengen, les armes voyagent aisément d’un pays à un autre et d’un groupe criminel à un autre.» Et d’ajouter: «Les armes ont une durée de vie très longue.»

Le spécialiste belge met également en garde contre d’autres filières liées notamment à l’Ukraine et au Moyen-Orient où les conflits font toujours rage. Il estime que l’Europol devrait jouer un rôle plus actif contre le trafic. «L’UE doit lui confier la charge des enquêtes transnationales pour débusquer le commerce illégal qui se fait à l’échelle continentale», dit Nils Duquet. Selon lui, l’UE devrait aussi confier à cette agence européenne le rôle de surveillance d’Internet où le commerce existe sans aucun doute, mais donc on ne connaît pas l’ampleur.

L’Union entend également serrer le vis sur le commerce des armes à feu qui ont été officiellement rendues hors d’usage par des autorités publiques, à la fin d’une guerre par exemple et qui sont destinées aux collectionneurs. Nils Duquet fait remarquer que des mitraillettes, fusils et pistolets reconditionnés reviennent sur le marché depuis quelques années. «La demande sur le marché noir est plus forte pour les armes à poing parce qu’ils sont plus simples à cacher et plus faciles à manier, explique-t-il. Les terroristes, ils préfèrent des automatiques pour faire un maximum de victimes comme on l’a vu à Paris.»

Prochaine étape: l’UE invite les pays de l’espace Schengen à intégrer le plan d’actions dans les législations nationales. Pays associé, la Suisse où de nombreux ménages possèdent une arme légère, est appelée à faire autant.