«La dernière tentative de restauration de l’empire russe a échoué, et, ainsi que celles qui l’ont précédée, elle n’aura servi qu’à faire le jeu du gouvernement soviétique. Celui-ci étant une dictature militaire ne vit que de la guerre qui lui permet de s’ériger en défenseur du peuple russe contre les essais de restauration du tsarisme. La seule guerre qui pourrait lui être néfaste serait celle où il devrait combattre les peuples révoltés contre son despotisme et leur unification forcée. Et en effet tous ses efforts pour ramener les allogènes sous le sceptre des nouveaux tsars de Moscou ont échoué: les armées des [Alexandre Vassilievitch Koltchak, élu gouverneur suprême de la Russie par les forces anti-bolcheviques, Anton Ivanovitch Dénikine, commandant en chef de l’armée des volontaires, […] et Piotr Nikolaïevitch Wrangel, commandant en chef des armées du Sud, qui combattit dans les Armées blanches, tous trois durant la guerre civile russe] ont disparu, et l’armée ukrainienne privée de munitions et composée uniquement de volontaires combat toujours.
L’Europe a bien fait d’admettre l’existence des peuples issus de l’empire, mais jusqu’à présent, elle continue à ignorer l’existence nationale de [la République populaire d’] Ukraine. Or celle-ci a prouvé, comme les autres allogènes, sa vitalité, en luttant par ses propres moyens depuis trois ans contre l’invasion bolcheviste.
Les deux seules solutions logiques qui s’imposent sont: ou ne reconnaître aucun pays nouveau sur le territoire de l’ancien empire, et poursuivre alors la restauration de celui-ci ainsi que celle de son ancien régime tsariste, ou reconnaître le droit à la vie nationale de tous les peuples qui lui étaient soumis.
Tous les plans de transformation de l’ancienne Russie, sans tenir compte de l’un quelconque de ces pays, sont fatalement compromis.
Il est évident que la restauration de l’empire est impossible est impossible puisque nous voyons que pour maintenir le tsarisme les bolcheviks ont dû ramener celui-ci à ses formes médiévales et restaurer l’autocratie d’Ivan le Terrible. […]
Croire que des épaves de l’empire puissent raviver l’ancien régime d’avant la grande guerre, lorsque ce dernier n’a pas eu la force de se maintenir lorsqu’il était tout puissant, est par trop naïf.
On comprendrait encore que l’Europe ignorât un petit pays, pauvre et ne présentant aucun intérêt. Mais l’Ukraine est le plus riche pays de la Russie d’Europe et le plus grand de tous les autres pays révoltés contre la domination russe. Elle possède, en outre, le littoral de la mer Noire, ce qui permet à l’Occident d’avoir avec elle des rapports directs.
C’est en Ukraine que, dès le coup d’Etat bolchéviste, se sont réfugiés tous les Russes refusant d’accepter le nouveau régime moscovite. Ces Russes, bien que méconnaissant la nationalité ukrainienne, comprenaient très bien la sécurité que leur offrait ce peuple différent de mentalité et dont le régime économique était incompatible avec le communisme.
Il est à désirer que dorénavant les gouvernements occidentaux fondent leur confiance sur les intérêts des peuples au lieu de mettre tous leurs espoirs dans l’activité des hommes – quelle que soit leur valeur personnelle – car l’action de ceux-ci est forcément subordonnée aux influences incontrôlables de leur entourage, composé d’hommes ne poursuivant que des intérêts de classes ou pénétrés d’idées désuètes. »
« On comprendrait encore que l’Europe ignorât un petit pays, pauvre et ne présentant aucun intérêt. Mais l’Ukraine est le plus riche pays de la Russie d’Europe »
ARCHIVES HISTORIQ UES
>> Sur Internet
www.letempsarchives.ch