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Les sanctions marchent!
«C’est un résultat significatif, le plus important depuis le mois de janvier, note Fredrik Wesslau, directeur de recherche pour le Conseil européen des affaires étrangères, un think tank européen. Les Accords de Minsk ne seront pas réalisés d’ici la fin de l’année, mais on se donne du temps pour y parvenir. C’est positif.» Plus nuancé, Leonid Litra, de l’Institut de politique mondiale à Kiev, y voit un exercice classique de diplomatie de l'«ambiguïté constructive»: chacun peut prétendre au succès. La Russie, la France et l’Allemagne poussent en faveur d’une politique d’accommodement. Le président ukrainien, Petro Porochenko peut faire valoir une reprise de contrôle des territoires séparés par l’OSCE.
Après les craintes d’un embrasement cet été, comment expliquer cette nouvelle dynamique? «La résilience de l’armée ukrainienne s’est avérée plus forte que ne le pensait Moscou, estime Fredrik Wesslau. La stratégie de déstabilisation du pouvoir à Kiev en nourrissant l’le conflit dans le Donbass a échoué.» Le deuxième facteur, note le chercheur, ce sont les sanctions européennes et américaines visant la Russie. «Cela marche!»
L'Ukraine à l'ombre de la Syrie
Mais cette accalmie est aussi à mettre en lien avec l’intervention russe en Syrie. «Vladimir Poutine agit en Syrie pour deux raisons: soutenir Bachar al-Assad et rompre son isolement provoqué par la crise ukrainienne.» En clair, face au flux de réfugiés en provenance du Proche-Orient, le président russe propose aux Européens, divisés, une solution: s’allier avec le Kremlin pour éliminer l’Etat islamique. Une proposition qui fait son chemin en Allemagne où le vice-chancelier, Sigmar Gabriel, vient de déclarer qu’on ne peut pas maintenir ces sanctions si l’on envisage de coopérer avec la Russie en Syrie.
Les deux conflits pourraient connaître d’autres passerelles. En DNR, le bruit court que des combattants pro-Russe partent désormais en Syrie combattre les islamistes. Ces rumeurs sont démenties par les médias locaux. «C’est très difficile à prouver, explique Leonid Litra. Mais des officiers russes disent ne pouvoir nier que des «volontaires» pourraient apparaître en Syrie en cas d’opération au sol.»
Porochenko contesté
Il n'est pas sûr que la stratégie du Kremlin débouche pour autant sur les résultats espérés. Si les Accords de Minsk étaient prolongés en 2016, les sanctions devraient l’être également puisque leur levée est conditionnée à la mise en application du plan de paix. Cela devrait encore prendre du temps. Le compromis pour une nouvelle loi électorale s’appliquant aux territoires séparatistes (qui devrait notamment autoriser le vote des déplacés internes) est loin d’être acquis. D’autant que le pouvoir de Petro Porochenko est fragile.
En Ukraine, le résultat du sommet de Paris est en effet controversé, souligne Alexey Leschenko, vice-président de l’Institut Gorshenin à Kiev. «Les patriotes ukrainiens, ceux qui ont participé à la révolution de la dignité à Maïdan, ont l’impression que leur voix n’est pas entendue. Comment la Russie peut-elle prétendre jouer les intermédiaires, alors que c’est le pays qui a initié le conflit? Comment peut-on amnistier les terroristes?» Il s’agit toutefois d’une minorité, évaluée à un quart de la population selon le chercheur, l’essentiel de la classe moyenne.
Pour l’heure, Petro Porochenko peut compter sur une majorité silencieuse, cette frange de la population qui dépend des aides de l’Etat et qui a souffert de la guerre. Le président ukrainien reste par ailleurs l’homme jugé le plus apte à tenir tête à Vladimir Poutine. Un récent sondage le place en tête des intentions de vote en cas de présidentielle (25%). Mais l’opposante Ioulia Timochenko le talonne (20%).