FRANCE
Une trentaine de sympathisants suisses du mouvement En Marche ! ont fait samedi le déplacement de Lyon pour soutenir Emmanuel Macron. Rencontre

Ils se sont installés aux premières loges. Juste devant l'estrade où Emmanuel Macron a commencé, samedi vers 16 heures, à dérouler l'un des plus importants discours de sa candidature à la présidentielle française.
Plusieurs ont revêtu des tee-shirts «Macron Président». Joachim Son, lui, a préféré un simple pin aux deux drapeaux: français et suisse. L'intéressé est radiologue au CHUV, à Lausanne. Il réside à Genève où se tiennent chaque semaine, tous les jeudis, les réunions d'«En Marche !» au Café de la presse, boulevard Saint Georges. Il tenait à faire le déplacement: «Les lignes bougent. Macron parle autrement. Il nous redonne envie de nous mobiliser et de croire en la politique» explique, en répondant aux questions de la RTS, ce médeçin franco-suisse d'origine asiatique.
Tous les jeudis
A ses côtés, Anne Dardelet motive ses troupes. Chaque semaine, cette Genevoise, juriste en entreprise, anime les réunions «d'En Marche !» consacrées aux thématiques définies par le QG parisien du mouvement. La dernière a été consacrée à la santé. La prochaine permettra de débattre d'économie. Bientôt, les questions internationales, très attendues à Genève, seront discutées. Présents ? Entre trente et quarante sympathisants tous les jeudis. Age moyen autour de quarante ans. Beaucoup de curiosité. Des Suisses et des Français. «En marche !» , qui revendique 170 000 militants à travers la France, compte prés d'un millier de sympathisants en Suisse, autour de quatre sections officielles: Genève, Lausanne, Zurich et Berne. D'autres groupes ont commencé à éclore à Bienne, à Nyon et à Neuchâtel. Personne n'a payé de cotisations. Tous se sont enregistrés sur le site web du mouvement.
La Suisse, un laboratoire
Les moments forts d'En Marche ! en Suisse ont jusque-là été peu nombreux. Deux délégués nationaux, les entrepreneurs Jean-Marc Borello et Suzanne Holder, ont animé fin janvier des réunions à Genève et Lausanne devant une centaine de personnes. L'un des plus proches collaborateurs d'Emmanuel Macron, Patrick Toulmet, patron de la maison des métiers de Seine Saint Denis, est attendu sous peu pour parler d'apprentissage et surtout écouter. «En marche ! n'est pas une structure verticale, poursuit Anne Dardelet. Nous recueillons les expériences. Nous faisons remonter les commentaires, les propositions, les envies aussi». La presse est immanquablement visée par les supporters d'Emmanuel Macron. Trop «rigide». Pas assez «à l'écoute». «Nous allons parler de démocratie, d'écologie, de formation. La Suisse est aussi un laboratoire pour En marche !» se félicite la jeune femme.
Chercheurs basés aux Etats-Unis
Emmanuel Macron est monté sur scène. Fait unique dans la campagne présidentielle française, des drapeaux étoilés européens flottent aux cotés des drapeaux français. Le maire de Lyon, Gerard Collomb, en rupture avec le parti socialiste, annonce 16 000 personnes dans le palais des sports de Gerland. Il y en a plutôt 12 000. Les Suisses sont une infime minorité. Un commando helvétique. Ils écoutent l'ancien ministre multiplier les appels à l'unité, à dépasser la politique traditionnelle, à réfléchir au lieu d'être dans «le rapport de force», à ne pas diviser le pays. Le discours, comme souvent, est plutôt plat. Une litanie d'évidences, tantôt empruntées à la droite, tantôt dérobées à la gauche. Les propositions du socialiste Benoît Hamon sont dans son collimateur. Mais la potion Macron rend fort. Le candidat lance un appel à tous les chercheurs basés aux Etats Unis et épouvantés par Donald Trump. «Vous avez aujourd'hui une terre patrie: ce sera la France !». Grosse ficelle. Mais applaudissements nourris du coté des Suisses familiers des Ecoles polytechniques et de la symbiose industrie-recherche sur les bords du Léman.
Show sur grand écran
A l'extérieur, près de 4000 personnes regardent le show du candidat sur grand écran. Les écrivains-académiciens Eric Orsenna et Marc Lambron assurent la crédibilité culturelle. Les économistes Philippe Aghion et Elie Cohen sont là pour témoigner du cadrage budgétaire. Le mathématicien vedette Cedric Vilani apporte sa garantie de sérieux scientifique. Tout est parfaitement huilé. Avec comme baromètre de ce qu'il faut dire ou ne pas dire, des médias sociaux utilisés comme capteurs.
Deux France
A deux pas des Genevois, Mounir Mahjoubi, le coordinateur numérique «d'En Marche !» étreint Laurence Haïm, l'ex journaliste de télévision devenue la porte-parole du candidat. Quelques minutes plus tôt, celle-ci a évoqué Barack Obama et remplacé le fameux «Yes we can» par «Oui, nous osons!». «Il se passe quelque chose. On sent la France bouger» se réjouit Joachim le radiologue. Le meeting de Lyon ressemble à une grand-messe. A l'autre bout de la ville, la candidate du Front national Marine Le Pen tient ce week end son congrès. Elle parlera dimanche devant plusieurs milliers de personnes. La bataille présidentielle parait bien lancée entre ces deux France qui, vues de Suisse, ne peuvent pas être plus opposées. «Celle du repli national, comme on le connaît malheureusement dans une partie de la population en Suisse, nous confie Daniel, descendu de Berne. Et celle de l'ouverture confiante incarnée par Emmanuel». Les «marcheurs» venus d'Helvétie en sont persuadés: avec cette élection, et grâce à Emmanuel Macron, ces Francais si difficiles à comprendre vus de Suisse sont peut être enfin conscients qu'il est temps de changer.