Un nouveau dossier à risque pour l’exécutif français, après celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes? En approuvant, lundi à Lyon au cours du 30e sommet franco-italien, une déclaration commune confirmant «l’intérêt stratégique» de la ligne ferroviaire à grande vitesse entre la capitale de la région Rhône-Alpes et Turin, François Hollande s’est en tout cas assuré un front supplémentaire de contestation. La vigoureuse opposition italienne à ce projet transfrontalier s’est en effet propagée à l’Hexagone. Un millier de personnes environ ont manifesté durant la signature de l’accord portant sur la réalisation du futur tunnel ferroviaire de 57 km entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Le texte a été paraphé par les ministres des Transports français et italien, en présence du président de la République, du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et du chef du gouvernement italien, Mario Monti.
Opposition des écologistes
En discussion depuis le début des années 1990, la «Transalpine» est porteuse de grandes ambitions. Pour les voyageurs, la nouvelle ligne de 200 km environ raccourcirait les temps de parcours de manière significative: les villes de Lyon et Turin seraient reliées en deux heures, contre près de quatre heures aujourd’hui; Milan ne serait plus qu’à quatre heures et demie de Paris au lieu de sept. Un deuxième enjeu concerne le fret: il s’agit de décharger les routes d’au moins un million de camions par an. La liaison ferroviaire s’inscrit de surcroît dans une perspective européenne: elle constitue «le maillon central» et manquant d’un corridor allant de Lisbonne à Kiev, selon le site officiel du projet (http://www.transalpine.com).
Promouvoir le ferroutage: au vu de cette dimension écologique, les Verts français ont d’abord soutenu la ligne. Mais la situation financière du pays et les révisions à la baisse des prévisions de trafic de marchandises les ont fait changer d’avis. La semaine dernière, à l’issue d’un «avant-sommet» de la contestation, Europe Ecologie-Les Verts a publié un communiqué expliquant que les représentants des mouvements écologistes français, italiens et suisses «jugent la construction d’un tunnel international supplémentaire prédatrice d’espace, d’énergie et de deniers publics, disproportionnée face aux besoins présents et basée sur des prévisions irréalistes. Les écologistes plaident au contraire pour la mise en œuvre immédiate d’une politique d’ensemble en faveur du report modal, avec notamment une éco-redevance poids lourds et des investissements sur les liaisons ferroviaires existantes». Parmi les protestataires, le député européen José Bové, également opposé à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Le coût de la «Transalpine» représente donc l’un des importants nœuds du problème. Son financement n’est pas encore assuré, notamment en ce qui concerne les 8,5 milliards d’euros du tunnel de base, qui devrait être plus long que l’ouvrage construit sous la Manche. La France devrait participer à hauteur de 2,2 milliards, l’Italie pour 2,9 milliards. Le reste, soit 40% du budget, viendrait de fonds européens. Mais François Hollande et Mario Monti doivent encore «convaincre» l’Union, dont le budget 2014-2020 n’est toujours pas adopté: «40%, cela demandera que la France et l’Italie continuent leur travail de conviction», a admis le chef de l’Etat.
De 12 à 26 milliards
Plus largement, la Cour des comptes a envoyé au premier ministre français une salve de remarques extrêmement critiques le 1er août dernier. Didier Migaud, le président de la Cour, écrit que le montant global estimé des travaux est passé de 12 milliards d’euros en 2002 à 26 milliards actuellement. Il déplore également un «pilotage insuffisant du projet» et regrette que «d’autres solutions techniques alternatives moins coûteuses (aient) été écartées sans avoir toutes été complètement explorées».
Le calcul a été partiellement contesté par le premier ministre. Sur ce dossier comme sur celui de l’aéroport de Nantes, Jean-Marc Ayrault est soutenu par de nombreux parlementaires, sensibles à la fois aux arguments de l’emploi et à ceux de l’essor économique régional.