La Maison-Blanche agit pour combattre le fléau de l’héroïne
Etats-Unis La consommation de la substance a explosé et le nombre d’overdoses ne cesse de croître
Face à l’ampleur du fléau qui ronge l’Amérique, la Maison-Blanche juge nécessaire d’agir. Lundi, elle a lancé une initiative pour mieux combattre l’explosion de la consommation d’héroïne aux Etats-Unis, qui provoque de nombreuses morts par overdose. Pour l’administration de Barack Obama, il devient prioritaire non pas de criminaliser les consommateurs, mais de mieux les traiter. Le plan cible 15 Etats s’étendant de la Nouvelle-Angleterre à Washington. Un partenariat nouveau doit s’instaurer entre la police et des acteurs de la santé publique.
L’initiative de la Maison-Blanche, dont le coût est modeste (2,5 millions de dollars), vise à réunir des experts des brigades des stupéfiants et des spécialistes de la santé pour qu’ils puissent compiler des données précises sur les cas d’overdose, sur les trafiquants d’héroïne qui approvisionnent le marché et sur la provenance de la drogue. Elle entend aussi promouvoir l’administration rapide de naxolone, une substance qui permet de contrer les effets d’une overdose. La Maison-Blanche avait déjà annoncé en début d’année vouloir inscrire au budget fédéral 133 millions de dollars pour combattre les abus de calmants opioïdes et accroître le recours à la méthadone pour aider les toxicomanes à s’extraire de leur dépendance.
Femmes plus accros
Les questions de santé relèvent en grande partie des Etats, mais Washington estime important d’intervenir pour combattre un phénomène qui a pris une ampleur sans précédent. Selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les statistiques s’affolent. En 2013, 8200 personnes sont mortes d’une overdose d’héroïne aux Etats-Unis. C’est deux fois plus qu’en 2011 et quatre fois plus qu’en 2002, précise un rapport publié en juillet par les CDC. «La consommation d’héroïne est en augmentation rapide dans toutes les catégories d’âge et, du fait de cette hausse, on assiste à une rapide croissance du nombre de morts. Environ une personne sur 50 qui a une addiction à l’héroïne est susceptible de mourir d’une overdose», relève Tom Frieden, directeur des CDC.
La plus forte croissance concerne les femmes, dont la consommation d’héroïne a doublé depuis 2002: 1,6 femme sur 1000 recourait à la substance en 2013. Au sein de la population blanche, la hausse de la consommation est de 114% sur la même période. Les Etats-Unis comptent actuellement près de 660 000 héroïnomanes.
L’épidémie touche fortement des Etats comme le Massachusetts ou le Vermont. Dans ce dernier Etat, connu pour sa nature et ses pistes de ski, elle a déjà fait des ravages. En janvier 2014, le gouverneur du Vermont, Peter Shumlin, désemparé par l’ampleur de la crise, consacra l’intégralité de son discours de législature au fléau, relevant que 2 millions de dollars d’héroïne était déversée chaque semaine dans son Etat et que 80% des détenus étaient incarcérés en raison de crimes liés aux stupéfiants. Depuis 2000, a-t-il souligné, le nombre de citoyens traités pour une dépendance à l’héroïne a augmenté de 700%.
Médicaments en cause
Les raisons de cette crise sanitaire sont multiples. La surconsommation de calmants opioïdes, parfois dès l’adolescence, est un facteur explicatif majeur. Selon le CDC, les alcooliques ont deux fois plus de risque d’être accros à l’héroïne qu’une personne normale. Pour les consommateurs de haschich, le risque est trois fois plus grand, et pour les cocaïnomanes il est quinze fois plus important. Quant aux personnes dont la dépendance aux médicaments opioïdes est avérée, elles ont quarante fois plus de risque de se tourner vers l’héroïne.
Certaines études ont montré que la hausse de la consommation d’héroïne est étroitement liée aux abus de calmants opioïdes. L’acteur oscarisé Philip Seymour Hoffman, mort d’une overdose dans son appartement de Manhattan en février 2014, fut l’exemple le plus célèbre de l’addiction aux opioïdes, puis à l’héroïne. Si cette dernière est désormais si recherchée, c’est en raison de son prix, sensiblement plus bas que les analgésiques opioïdes. Elle est aussi plus disponible au vu d’une hausse en flèche de la production au Mexique. Les saisies d’héroïne à la frontière américano-mexicaine ont augmenté de 300% depuis 2007.