Le débat a été animé à la Maison-Blanche. Ne pas se rendre en Louisiane, c’était courir le risque de renouveler le désastre d’image de l’après-Katrina, lorsque George Bush avait laissé à leur sort les milliers de damnés de l’ouragan. Mais apparaître dans le golfe du Mexique, tandis que la marée noire s’approche des côtes et que rien ne semble pouvoir arrêter l’une des pires catastrophes écologiques à frapper les Etats-Unis, c’est aussi exposer, en pleine lumière, l’incapacité du président.

Barack Obama, finalement, s’est rendu dimanche à Venice, Louisiane, douze jours après l’explosion qui a fait sombrer la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon. Avec une stratégie claire: montrer que la Maison-Blanche, malgré les premiers cafouillages, prend au sérieux la menace. Mais également en rejeter l’essentiel de la responsabilité sur les dirigeants de British Petroleum.

«Notre tâche consiste aujour­d’hui à les serrer à la gorge», martelait le ministre de l’Intérieur Ken Salazar, l’un des responsables dépêchés dans les émissions politiques télévisées du dimanche matin pour parfaire la stratégie de la Maison-Blanche. La responsable de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, enchaînait: «Ce sont eux les ultimes responsables. Ils devront payer.»

Selon la loi entrée en vigueur après l’accident de l’Exxon Valdez, il reviendra principalement à la compagnie pétrolière d’assumer les coûts visant à contenir la nappe de pétrole, puis ceux liés au nettoyage. Cependant, le montant des compensations supplémentaires (vis-à-vis des individus, des compagnies ou du gouvernement) est limité à 75 millions de dollars. Le reste devrait provenir d’un fonds alimenté par les compagnies pétrolières sous forme d’une taxe destinée à faire face à ce genre d’accidents.

Au-delà de ces compensations, les enjeux apparaissent pourtant bien plus vastes. C’est à un problème d’image ravageur que doivent faire face les responsables de BP qui, depuis des années, tentaient de faire passer l’idée d’une compagnie ouverte aux nouvelles énergies et se préparant à «l’après-pétrole». De fait, les mesures de sécurité, accrues dans les années 1990 – malgré l’opposition farouche de BP – donnent aujourd’hui la preuve qu’elles n’étaient pas suffisantes. Et pour cause: depuis la catastrophe de l’Exxon Valdez, le forage en haute mer, de plus en plus profond, a connu une augmentation phénoménale, accompagnant la hausse de la demande de pétrole. Le golfe du Mexique est, dans ce contexte, devenu la poule aux œufs d’or des pétroliers, satisfaisant un tiers de la consommation intérieure américaine, avec 1,7 million de barils extraits quotidiennement.

Si cette évolution est antérieure à l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, son entourage sait aujourd’hui que chaque image d’oiseaux englués dans le pétrole risque d’être perçue comme une preuve de l’inefficacité du gouvernement en place. Pour le président, le terrain est d’autant plus dangereux que, il y a à peine quelques semaines, il justifiait l’extension des forages off­shore en assurant que, désormais, grâce à une «technologie très avancée», les plates-formes pétrolières étaient à l’abri de fuites de ce genre.

Un aveuglement collectif? Le poids d’un secteur pétrolier auquel il est impossible de s’opposer? Il y a quelques mois, un rapport dévastateur dévoilait les pratiques des dirigeants du Minerals Management Service (MMS), l’agence gouvernementale chargée de faire respecter les obligations des compagnies pétrolières en matière d’environnement. Cadeaux somptueux offerts par les lobbies pétroliers, données manquantes dans ses propres rapports… l’agence n’avait en outre pas jugé bon de forcer les plates-formes du golfe du Mexique de s’équiper de mécanismes supplémentaires de protection, qui auraient coûté un demi-million de dollars pièce et dont sont munis les concurrents en Norvège ou au Brésil.

Il y a à peine un mois, le MMS assurait que BP «possède la capacité de répondre (seul) au pire des scénarios envisageables». Alors que ce scénario semble s’être réalisé, les responsables de British Petroleum, incapables de maîtriser la fuite sous-marine, ont pourtant fait appel aussi bien au gouvernement qu’aux autres compagnies pétrolières.