OMS
Directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, la Chinoise Margaret Chan a été accusée par certains d’avoir été trop alarmiste au sujet de la grippe A H1N1. Elle explique en exclusivité au Temps que les choses ne sont pas si simples et réfute par ailleurs les accusations selon lesquelles son organisation serait sous l’influence des entreprises pharmaceutiques.
Depuis le printemps dernier, elle est au cœur de l’attention mondiale. Margaret Chan a dû affronter la grave crise de la grippe A H1N1. Elue directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en novembre 2006, cette Chinoise de 62 ans acquit une notoriété internationale en 2003 quand elle géra l’épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) en tant que directrice de la Santé à Hong Kong. Au moment où certains ont le sentiment que l’OMS en a trop fait et a adopté un ton beaucoup trop alarmiste au sujet de la grippe A, Margaret Chan rappelle certaines vérités. Elle réfute les accusations selon lesquelles l’OMS serait sous l’influence des entreprises pharmaceutiques. Selon la directrice de l’OMS, on est loin d’avoir le vrai bilan de la grippe A. Il faudra attendre près de 24 mois pour être plus au clair
Le Temps: La pandémie de grippe A semble connaître un net recul. Où en est-on exactement?
Margaret Chan: Il est trop tôt pour affirmer que l’on a passé le pic de la pandémie de grippe A au niveau mondial. Mais il est vrai que dans certains pays de l’hémisphère nord comme le Canada ou les Etats-Unis, on a passé le pic de la deuxième vague de la pandémie. Mais tous les pays n’en sont pas là. L’hiver est encore long et de nombreuses questions restent sans réponse. De plus, on n’a pas vu une explosion du nombre de cas de grippe A H1N1 en Afrique ou dans différents pays en voie de développement en Asie. On ne sait pas encore si c’est parce qu’ils ont un système de santé trop déficient pour recenser les cas ou si la grippe A n’y a pas encore produit ses pleins effets. Sur la base de mon expérience avec les nouvelles maladies et les leçons tirées des pandémies passées, je pense qu’il faut rester prudent et observer l’évolution de la pandémie au cours de ses 6 à 12 prochains mois avant de crier victoire.
– Malgré tout, au vu du recul apparent de la pandémie en Europe de l’Ouest en en Amérique du Nord, l’OMS n’a-t-elle pas été trop alarmiste?
– Certains pensent que l’annonce de la pandémie par l’OMS fut trop précoce, d’autres au contraire trop tardive. A mon avis, l’OMS a adopté une attitude très prudente, d’autant qu’il était question de la première pandémie depuis quatre décennies. Je n’aurai jamais déclaré l’état de pandémie si je n’avais pas eu la certitude d’avoir les preuves dans ce sens. Nous avions un nouveau virus et celui-ci se propageait de façon durable dans plus de deux régions du monde. Nous avons consulté des virologues, épidémiologistes et experts de santé publique. Nous sommes tous arrivés à la même conclusion et avons pris une décision unanime d’annoncer la pandémie le 11 juin 2009. (L’interview complète sera en ligne en fin de journée et dans l’édition papier de demain.)