Matteo Renzi, la fin des éléphants de la gauche

Italie Le maire de Florence débarrasse le Parti démocrate de sa gangue paralysante du passé

A l’heure du discrédit massif de la politique au sein de l’opinion publique italienne, sa victoire écrasante (68% des voix) lors des primaires du Parti démocrate de dimanche est un événement que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de révolutionnaire. Matteo Renzi, 38 ans, vient de se faire élire par 3 millions d’Italiens à la tête d’une gauche qui avait tenté de se réformer sous Walter Veltroni, mais qui est restée engluée dans la dialectique paralysante de ses courants historiques.

Le coup de balai s’est confirmé lundi. Matteo Renzi a nommé 12 personnes à la tête du secrétariat du Parti démocrate, dont sept femmes. Même s’il n’utilise plus l’expression rottomazione qui désignait, voici quelque temps, sa volonté d’envoyer les éléphants du parti à la casse à l’image de vieilles voitures, le Toscan, qui incarne l’aile démocrate-chrétienne du parti, fait table rase dans un pays où les politiques entrent généralement en scène, mais n’en sortent jamais, à l’image d’un Giulio Andreotti, sous-secrétaire du président du Conseil en 1947, puis chef du gouvernement encore en 1989 avant de siéger comme sénateur à vie jusqu’à sa mort.

Réponse à Beppe Grillo

La montée en puissance de Matteo Renzi, qui se réclame aussi bien de Tony Blair que de Barack Obama, a été progressive. Elu à la présidence du Conseil provincial de Florence en 2004, il se fait remarquer en 2009 en se lançant contre toute attente dans la course à la mairie de Florence. Lors des primaires démocrates de 2012, il défie Pier Luigi Bersani qui incarne la vieille garde de la gauche historique. Il perd. N’appartenant pas à l’appareil politique du parti, il revient toutefois en force en 2013 au moment où le gouvernement italien d’Enrico Letta tente de maintenir le pays à flot.

Son accent toscan mis à part, la comparaison avec Tony Blair est pertinente quand il s’agit de parler du nouveau mode de communication politique. En décembre 2010, il recevait Le Temps en jeans et en cravate dans la salle de Clément VII du Palazzo Vecchio, siège de la mairie de Florence. Il le constatait déjà: «En Italie, les politiques parlent comme les footballeurs, avec des phrases toutes faites. Il y a trente ans, cela faisait mouche. Aujour­d’hui, ce n’est plus possible.»

A Florence, ville de 370 000 habitants, il a rapidement changé le mode de gouvernance, avec un slogan: l’ouverture. A ce titre, il supprime d’emblée les détecteurs de métal à l’entrée du Palazzo Vecchio hérités de l’ère post-11 septembre 2001. Twitter, Facebook, le rottomatore communique tous azimuts. Sans langue de bois. Il descend dans la rue pour parler aux Italiens. Son maître mot: la concretezza. Il faut aborder les problèmes concrets. Une fois par mois, il a longtemps répondu aux questions pointues des auditeurs de Radio Toscana. Ce même jour de décembre, il expliquait à un auditeur qu’il s’était rendu dans la villa lombarde du président du Conseil Silvio Berlusconi, à Arcore, par pragmatisme. Pour tenter de le convaincre d’aider Florence, confrontée à un trou budgétaire de 37 millions d’euros.

Aujourd’hui, Matteo Renzi est la réponse la plus convaincante à l’anti-politique du type Beppe Grillo, le comique devenu le héraut du populisme anti-tout. Il propose d’abolir le financement public des partis politiques dont le coût s’est élevé à 2,3 milliards d’euros entre 1994 et 2012. Il suggère de réduire le gouvernement à dix ministres. Rien n’est tabou. Avec sa nouvelle légitimité, il n’hésite pas à critiquer la lenteur des réformes du gouvernement. Lundi, il a néanmoins eu un premier entretien «fructueux» avec le président du Conseil, Enrico Letta.

Après les mots, Matteo Renzi devra être à la hauteur des fortes attentes. Avec la décision de la Cour constitutionnelle d’imposer un retour au système proportionnel, condamnant des années d’efforts du Parti démocrate visant à créer un système bipolaire, le maire florentin devra pousser ses troupes à éviter ce scénario qui risque de rendre une nouvelle fois l’Italie ingouvernable. Il devra aussi les mobiliser pour modifier une loi électorale, une «cochonnerie», qui explique une partie des problèmes politiques de ces dernières années.