Les premiers orateurs ne sont pas encore montés à la tribune que déjà le Parvis des droits de l’homme, baigné de soleil, est noir de monde. «Nous sommes le peuple de France», vante un retraité, en reprenant la phrase désormais culte de son champion. Des écrans géants reprennent des extraits de discours de Nicolas Sarkozy. Il fustige les «35 heures, l’assistanat, la retraite à 60 ans». L’image est impressionnante. Une estrade blanche posée devant la tour Eiffel, avec à ses pieds une foule immense où s’agitent des milliers de drapeaux tricolores. «Deux cent mille personnes!» dira Nicolas Sarkozy. Impossible à vérifier, bien sûr. Mais le pari de la mobilisation est sans nul doute réussi.
Pour chauffer la fête du «vrai travail», Nadine Morano assure, elle qui n’a pas ménagé ses efforts dans cette campagne. «Je suis venue vous parler avec mon cœur, entame la ministre. Mon cœur de fille de Lorraine, terre de Jeanne d’Arc, qui n’appartient à personne d’autre qu’au peuple de France.» Et voilà pour le Front national qui, quelques heures plus tôt et à quelques kilomètres de là, fêtait avec Marine Le Pen «sa» pucelle d’Orléans.
Mais les piques les plus sévères sont pour la gauche. «Le but, pour les jeunes, ce n’est pas de les assister mais de leur apprendre un métier. Or, ne cherchez pas le mot «apprentissage» dans le programme de François Hollande. Les emplois-jeunes ne sont rien d’autre que des voies de garage!» Alors que ces derniers jours, des critiques ont émergé dans le camp Sarkozy sur sa stratégie du second tour, tout le monde cette fois est au diapason. Jean-Pierre Raffarin vante la recette du modèle économique des pays émergents: le «travailler plus». François Fillon enfonce le clou sur le salaire qui doit récompenser l’effort. «Celui qui travaille dur ne doit pas être ridiculisé par le dealer qui gagne en un jour ce que lui-même gagne en un mois.» Jean-François Copé raille les 60 000 postes promis par François Hollande dans l’Education. La consigne a été respectée. Pas d’attaques trop violentes contre les syndicats, comme le recommandait le premier ministre. Et le pire a été évité: pas d’incidents sur le pavé, dans ce climat pourtant si électrique de cet entre-deux-tours de la présidentielle.
Vient le moment pour Nicolas Sarkozy de monter en scène. Etrange impression que l’exaltation du moment se mêle sans cesse au doute. «Je me battrai jusqu’à la dernière seconde de la dernière minute parce que j’aime trop la France, dit-il. Il reste trois jours pour expliquer, convaincre, entraîner.» Mais de citer dans le même temps un étrange extrait d’un discours du général de Gaulle. «Nul n’est déterminé à terminer sa carrière.» Une phrase qui rappelle celle déjà lâchée plusieurs fois: «A 57 ans [son âge], on n’est pas foutu.»
Remerciements
La foule, qui n’est jamais plus exaltée que lorsqu’il évoque «les racines, l’identité et l’héritage chrétien de la France», exulte. «Hollande en Corrèze, Sarkozy à l’Elysée!» scande-t-elle dans une clameur spectaculaire. Mais après quarante minutes de discours, son héros quitte la scène sans son traditionnel «aidez-moi!» La supplique a fait place aux remerciements pour tous. «Et surtout pour Carla.» Comme un air d’adieu après avoir célébré, une fois encore, la France qu’il aime, «celle qui ne doit pas s’excuser pour ce qu’elle possède, celle où la réussite ne doit pas être culpabilisée et ne signifie ni l’avidité ni la cupidité». «Pas du tout!» démentent des militants, remontés. «Les sondages se trompent et les médias mentent!» assènent-ils. La foule met une heure à se disperser dans le très chic XVIe arrondissement. De mémoire d’une riveraine, «on n’avait jamais connu pareille manifestation dans le quartier».