Depuis des mois, chaque mercredi, Le Canard enchaîné a sorti une affaire impliquant un membre ou un proche du gouvernement. L’hebdomadaire satirique avait habitué à autant de pugnacité: cela fait nonante-cinq ans qu’il sévit. En revanche, il est un nouveau venu sur la scène du journalisme d’investigation que consacre la tempête politico-médiatique soulevée par le dossier Woerth-Bettencourt: Mediapart.

Mardi, en publiant un entretien exclusif avec l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt, le site d’information, divulgateur en chef dans ce feuilleton tapageur, a vu sa fréquentation exploser. Au point de proposer, lui qui a fait le pari de l’information payante, son article choc en accès libre. Mediapart a été fondé en mars 2008 par Edwy Plenel, figure du journalisme d’enquête, aux motivations parfois contestées mais habile à se mettre en scène, ex-directeur de la rédaction du Monde dont il s’est séparé houleusement en 2004.

«Nous nous sommes lancés avec l’idée que la crise de la presse ne tenait pas à des problèmes industriels et commerciaux, mais qu’il s’agissait d’une crise de l’offre. Et donc, que si l’offre était au rendez-vous, les gens seraient prêts à payer pour acheter une information de qualité en ligne. Nous avons gagné notre pari», affirme le journaliste. Le site, sans publicité, facture 9 euros par mois l’abonnement. Sa rédaction compte 25 journalistes. «C’est peut-être un peu prétentieux, mais Mediapart veut être un laboratoire de la presse du XXIe siècle», dit Edwy Plenel.

Pour Jean-Marie Charon, sociologue des médias, il y a bien «un phénomène Mediapart» qui marque le retour de l’investigation. Mais, s’il triomphe grâce à sa forte exposition, le site traverse aussi «une épreuve reine», qu’il doit remporter pour parvenir à la rentabilité, un objectif visé pour 2012. Il compte 30 000 abonnés. Il lui en faudrait 45 000 pour cesser d’être cette «petite aventure fragile et indépendante» dépeinte par Edwy Plenel.