Mikhaïl Gorbatchev: «On ne peut pas croire aveuglément les Etats-Unis»
Syrie
Le dernier secrétaire général de l’ex-URSS s’est exprimé mardi devant un groupe de journalistes sur la situation syrienne. De passage à Genève pour célébrer le vingtième anniversaire de la Croix-Verte internationale, fondation de défense de l’environnement dont il est à l’origine, il défend la position des autorités russes sur ce dossier. Le Prix Nobel de la paix ne croit pas à une solution armée

– Le Temps: Vous luttez pour l’élimination des armes chimiques. Que pensez-vous des accusations portées contre le régime syrien? – Mikhaïl Gorbatchev: Premièrement, il faut savoir ce qui s’est exactement passé en se basant sur des faits. Je n’arrive toujours pas vraiment à croire que des armes chimiques aient été utilisées contre des êtres humains. C’est très choquant. Ce n’est pas normal. On discute depuis des années d’un processus d’élimination des armes nucléaires, bactériologiques et chimiques. Si c’est le cas, la Cour pénale internationale doit être saisie par le Conseil de sécurité de l’ONU. Jusqu’ici, le Conseil de sécurité n’a encore rien fait sur la question des armes chimiques. C’est la position de principe du gouvernement russe. Il faut par ailleurs réunir une nouvelle conférence internationale sur la Syrie. Mais on ne peut pas faire confiance à tout ce que disent les Etats-Unis. On ne peut pas les croire aveuglément. – S’il n’y a pas d’intervention militaire, comment empêcher d’autres massacres en Syrie – Le premier effort commun est de comprendre ce qui s’est passé. La Russie est prête à le faire. Aucun pays ne peut s’arroger seul le rôle de celui qui sait tout et qui a la solution à tout. Je ne comprends pas pourquoi rien n’est entrepris au Conseil de sécurité de l’ONU, qui doit être le principal responsable d’une action. Je ne peux pas faire confiance aux déclarations de frappes ciblées, je n’y crois pas. – Mais c’est la Russie et la Chine qui ont bloqué jusqu’ici des résolutions sur la Syrie à l’ONU. – Ils ont bloqué de mauvaises décisions. Les membres permanents du Conseil de sécurité ont un droit de veto et c’est une bonne chose. Ceux qui ont inventé ce mécanisme n’étaient pas stupides. Ce sont des décisions qui concernent la vie d’êtres humains. C’est une grande responsabilité. Certains pensent que les armes sont la solution. Je ne suis pas d’accord. – Existe-t-il un intérêt commun aux pays regroupés dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)? – Ce n’est pas une fiction. Cette association de pays exprime les vues d’une portion significative du monde. Je lui souhaite le succès. Nous avons besoin de plus d’équilibre. Les avis de la Russie, de la Chine et du Brésil doivent compter davantage dans le monde d’aujourd’hui.