Trois ans tout juste après l’éboulement qui avait bloqué 33 mineurs pendant soixante-neuf jours au fond de la mine d’or et d’argent de San José, dans la région d’Atacama, la décision de la justice chilienne de classer la plainte contre les propriétaires du site a provoqué surprise et indignation à Santiago.

«Ils m’ont enterré une seconde fois! s’est écrié un des mineurs, Mario Sepulveda, la voix brisée par la colère. C’est une honte pour le système judiciaire chilien.» «Beaucoup pensent que nous sommes bêtes. Nous ne le sommes pas, mais nous sommes pauvres», a ajouté celui que ses compagnons de captivité avaient surnommé «Super Mario» en raison de son calme et de sa bonne humeur.

«C’est lamentable»

«Il a été décidé de ne pas continuer l’instruction car il n’y a pas d’éléments pour soutenir une quelconque accusation», avait annoncé, le 1er août, le procureur d’Atacama, Hector Mella Farias.

Le 5 août 2010, le puits de la mine s’était effondré sur les hommes – 32 Chiliens et un Bolivien –, piégés à 700 m sous terre. A la surface, les autorités avaient mis deux semaines avant de réaliser qu’ils étaient bien vivants, dans la pénombre et se partageant, pendant dix-sept jours, de maigres vivres. Finalement, le 13 octobre, ils avaient été sortis dans une nacelle, un par un, à travers un puits étroit creusé dans les entrailles de la terre. Une bouleversante délivrance, baptisée «miracle d’Atacama», retransmise en direct par la télévision, qui avait tenu le monde entier en haleine.

«Je n’arrive pas à y croire, c’est lamentable», a déclaré l’ancien ministre des Mines, Laurence Golborne, qui avait dirigé la spectaculaire opération de sauvetage, au côté du président Sebastian Piñera. «Il y avait des preuves d’une négligence coupable», a-t-il affirmé, rappelant que l’entreprise minière de San José n’avait jamais adopté les mesures de sécurité exigées par les autorités. En guise de sortie de secours, la mine disposait d’une cheminée de ventilation. Mais il manquait l’échelle qui aurait permis aux mineurs d’en sortir.

Une commission du Congrès chilien avait conclu, en 2011, que les propriétaires de la mine étaient responsables. «Il est difficilement acceptable qu’il n’y ait pas de coupables», a jugé la sénatrice socialiste Isabel Allende. Le soulagement dominait du côté des propriétaires de la mine, Alejandro Bohn et Marcelo Kemeny, qui ont toujours affirmé qu’ils n’avaient commis «aucun délit» et qu’il s’agissait d’un «lamentable accident».

«Troubles psychologiques»

L’avocat qui représente la majorité des mineurs, Renato Prenafeta, a confié que la plupart de ses clients «souffrent toujours de graves conséquences psychologiques». «Plusieurs d’entre eux ne peuvent pas travailler, a-t-il affirmé. C’est une situation dramatique.»

Tel Omar Reygadas, qui est au chômage: «La plupart des propriétaires de mines ont peur de nous embaucher, a-t-il noté. Ils pensent que s’il y a un problème, tout le monde va le savoir, car nous avons reçu beaucoup d’attention des médias. Nous sommes devenus célèbres.»

Les «33» devaient maintenant se réunir pour faire le point. Ils ont déposé, en 2011, une autre plainte, pour négligence, contre l’Etat chilien, auquel ils réclament chacun une indemnisation de 380 000 euros.