Faute d'avoir démontré qu'elle collaborait entièrement avec le Tribunal de La Haye, soit, en termes plus concrets, faute d'avoir arrêté le criminel de guerre bosno-serbe, Belgrade voit aujourd'hui bloqué son rapprochement avec l'Union. La prochaine session de discussions avec Bruxelles devait avoir lieu le 11 mai et les deux parties espéraient voir les pourparlers s'achever avant la fin de l'année. L'accord d'association et de stabilisation, qui vise le libre-échange et une plus intense collaboration politique entre les Vingt-Cinq et Belgrade, constituait de fait, «un premier pas» vers l'adhésion à l'Union a rappelé, hier, le commissaire à l'Elargissement, Olli Rehn. Tout espoir d'aboutir avant fin 2006 n'est pas encore perdu, a-t-il lancé, en en appelant aux «forces démocratiques» en Serbie, mais il faudrait une «amélioration spectaculaire» de la situation.
Un premier ultimatum a déjà pesé sur ces négociations il y a un mois. Mais, convaincue par l'engagement personnel de collaborer promis par Vojislav Kostunica et sur la fois d'un rapport du TPIY qui indiquait que la situation semblait s'améliorer, Bruxelles avait cédé. Olli Rehn avait ainsi laissé jusqu'à la fin avril à Belgrade pour prouver sa bonne fois. Ce nouvel ultimatum a expiré ce week-end sans aucun progrès, a constaté Carla Del Ponte, procureur du TPIY, Reconnaissant qu'elle avait été «induite en erreur fin mars», elle s'est entretenue hier matin avec le commissaire européen.
A Belgrade, Vojislav Kostunica a lancé de nouveau un vibrant appel à la reddition du général Mladic. Jugeant la chose hautement improbable, Carla Del Ponte a immédiatement fustigé ce «double discours». Pour Bruxelles, la politique menée jusqu'ici par le gouvernement serbe, qui a surtout négocié des redditions volontaires, ne suffit plus: «Les choses sont en train de changer, prévient un fonctionnaire européen, qui rappelle que Bruxelles réclame également l'arrestation de Radovan Karadzic, l'ancien président des Serbes de Bosnie. Nous devons maintenant avoir la preuve claire et nette qu'un gouvernement fait absolument tout ce qui est en son pouvoir pour livrer un inculpé».
Demandant désormais à la Serbie de faire preuve de «maturité démocratique», Olli Rehn a son idée sur l'échec de Belgrade: «Les services de sécurité, les services de renseignements ne relèvent pas vraiment du contrôle démocratique complet du gouvernement serbe», estime-t-il. Le vice-premier ministre démissionnaire, Miroljub Labus, fait le même diagnostique: «Si nous avions des services comme nous devrions en avoir et s'ils avaient fait leur travail comme ils auraient dû le faire, aucun homme ne pourrait tenir le pays entier en otage», a asséné Miroljub Labus.