Abou Bakr al-Baghdadi est bien vivant et serait retranché à Mossoul
Irak
Abou Bakr al-Baghdadi n'avait plus donné signe de vie depuis près d'un an. Il réapparaît pour prévenir que la bataille de Mossoul sera féroce

Mais où est donc passé Abou Bakr al-Baghdadi? Alors que les combats font désormais rage à l’entrée de la ville irakienne de Mossoul, le sort du «calife» autoproclamé de l’organisation de l’Etat islamique faisait l’objet de toutes les spéculations: retranché avec ses troupes dans la deuxième ville d’Irak transformée en forteresse piégée? En fuite en Syrie voisine, plus précisément à Raqqa, l’autre «capitale» de l’Etat islamique? Ou tout bonnement mort depuis plusieurs mois, tué sous les bombes de la coalition internationale ou les assauts de ses nombreux ennemis?
Le message enregistré, diffusé par un média affilié à Daech durant la nuit de mercredi à jeudi – le premier depuis décembre dernier – prouve en tout cas qu’Al-Baghdadi est bien vivant: le chef des djihadistes y fait en effet référence à des événements récents, dont l’offensive internationale lancée contre Mossoul, une ville qu’il n’appelle pourtant jamais par ce nom, y préférant celui de Ninive, l’appellation de cette province du «califat». Al-Baghdadi mentionne aussi les morts récentes de deux de ses principaux adjoints, Abu Muhammad al-Adnani and Abu Muhammad al-Furqan dont il a salué le rôle de constructeurs de «l’édifice du califat». L’enregistrement a été donc effectué récemment.
Retranché à Mossoul, selon les forces américaines
Mais d’autres indications dans ce message vont être suivies de près par tous ceux qui désespèrent de localiser le chef de Daech, et notamment par la bonne douzaine d’analystes américains spécialement envoyés, dans le sillage des assaillants de Mossoul, afin de retourner chaque pierre pour y déceler toute information qui pourrait conduire à une confirmation de sa présence sur place. Loin de penser qu’il se serait évanoui dans la nature, les enquêteurs américains seraient en effet persuadés qu’Al-Baghdadi reste bel et bien retranché dans la ville de Mossoul, où il avait proclamé il y a deux ans la création du «califat» et où il aurait été bien plus présent qu’à Raqqa. Bien plus: d’après ces déclarations des forces contre-terroristes recueillies par la presse américaine, le chef de Daech est sans doute entouré de militants prêts à se faire sauter à ses côtés, pour éviter qu’il puisse être cueilli vivant.
Dans son allocution, longue d’une trentaine de minutes et étrangement retransmise en pleine nuit, al-Baghdadi n’a rien dit qui pourrait infirmer cette thèse. Au contraire. Alors que, d’ordinaire, les idéologues du groupe se soucient peu de l’emprise permanente des territoires, et que les lieutenants de l’organisation avaient déjà évoqué la possibilité d’un repli stratégique dans le désert, Al-Baghdadi a écarté toute idée de se retirer: «Tenir ses positions dans l’honneur est mille fois plus facile que de se replier dans la honte», affirmait-il en mesurant l’importance de la bataille à venir à la démesure des forces réunies contre l’État islamique. A aucun moment, il n’a cependant évoqué la perspective d’une victoire militaire: après tout, selon l’idéologie millénariste qui guide le groupe, l’issue de chaque bataille est entre les mains de Dieu.
Des djihadistes «résolus à se battre jusqu’au bout»
Ces déclarations semblent indiquer que les combattants de Daech sont bien décidés à défendre chèrement leur peau face aux assaillants. Elles confirment les vues de certains spécialistes, tels l’historien Stéphane Mantoux, qui assurent dès le début de l’offensive de Mossoul que les djihadistes préparent cette bataille de longue date et «sont résolus à se battre jusqu’au bout».
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Adoptant pour la première fois beaucoup plus clairement le ton d’un stratège militaire, presque autant que celui du prédicateur, le chef de Daech n’a évoqué qu’entre les lignes des attentats en Occident et n’a pas mentionné la Russie, officiellement présente en Syrie pour combattre les djihadistes de l’État islamique. Il s’est en revanche concentré davantage sur le gouvernement irakien, ainsi que sur d’autres ennemis musulmans sunnites. Il a ainsi appelé à des meurtres et des attentats en Arabie saoudite (une constante), mais pour la première fois également à l’intérieur des frontières de la Turquie, dont les forces sont présentes au nord de Mossoul. Surtout, Al-Baghdadi a pris comme modèle les combattants de Daech retranchés dans la ville libyenne de Syrte. Avec un message pour les militants: si vous ne pouvez pas vous rendre en Irak, allez aider ceux qui défendent aujourd’hui le califat en Libye.