Proche-Orient
Issue d’une famille de militants contre l’occupation, la jeune fille de 16 ans s’est récemment filmée en train de molester des soldats israéliens. Son incarcération fait polémique

Imposante crinière blonde, regard azur déterminé, mains désarmées: du haut de ses 16 ans, la jeune Ahed Tamimi est devenue le symbole de la révolte palestinienne contre l’occupation en Cisjordanie. Une vidéo où on la voit en train de frapper deux soldats israéliens à l’entrée de sa maison a fait exploser sa notoriété le 15 décembre dernier. Elle l’a aussi envoyée en prison où la jeune femme doit répondre de douze chefs d’inculpation. Courageuse résistante pour les uns, figure instrumentalisée pour les autres: Ahed Tamimi divise au Proche-Orient et au-delà.
Originaire du petit village de Nabi Saleh, jouxtant la colonie de Halamish, la jeune fille est issue d’une famille de militants. Son père, Bassem Tamimi, 50 ans, est l’un des leaders du mouvement de contestation non violent qui a vu le jour dans cette bourgade arabe, privée de sa source d’eau depuis 2009. Marches pacifistes, confrontations avec l’armée: la famille multiplie les actions avec la population locale, caméra au poing. Les images sont ensuite diffusées par Tamimi Press International, un blog créé par l’oncle d’Ahed. «La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité, explique Bassem Tamimi au Monde. La diffusion de nos films sur les réseaux sociaux permet de contrer les médias conventionnels qui fournissent une image biaisée de la situation.»
Jeunes en tête de cortège
Les premières traces d’Ahed Tamimi remontent à 2010. Alors âgée de 9 ans, la petite fille vêtue d’une robe taillée dans un keffieh tient tête à un soldat armé. Rebelote en 2012, où elle est filmée brandissant un poing menaçant sous le nez de soldats israéliens.
Avec ses jeunes frères et cousins, Ahed est systématiquement placée en tête des cortèges. Une présence jugée «cruciale pour les aider à prendre confiance et leur apprendre à faire face aux problèmes», détaille Bassem Tamimi au Figaro. De quoi alimenter les soupçons de manipulation pour les détracteurs.
Rencontre avec Recep Tayyip Erdogan
Quoi qu’il en soit, la notoriété de la jeune militante est lancée. En 2012, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan la reçoit pour la féliciter. En mars 2013, le New York Times Magazine consacre sa une au village de Nabi Saleh et immortalise le visage d’Ahed Tamimi au côté de onze autres Palestiniens. Le titre en dit long sur la détermination prêtée aux villageois: «S’il y a une troisième intifada, nous voulons être ceux qui l’ont lancée».
#FreeAhedTamimi
Dans la vidéo du 15 décembre visionnée plusieurs milliers de fois, Ahed et sa cousine interpellent et molestent physiquement deux soldats israéliens qui demeurent immobiles. Coups de poing, coups de pied, gifles: les deux jeunes femmes rejointes par d’autres habitants finissent par former une chaîne humaine pour bloquer l’entrée du domicile. La veille, son cousin, Mohammed al-Tamimi, avait été touché à la tête par une balle en caoutchouc. Symbole du courage palestinien et d’une jeunesse qui se révolte sans armes, Ahed Tamimi bénéficie d’un large soutien. Sur Twitter, le hashtag #FreeAhedTamimi est devenu viral.
Elle a dit NON à l'injustice.
— Youcef Benderbal (@ybenderbal) 26 décembre 2017
Elle a dit NON à l'occupant.
Elle a dit NON aux colonies.
Elle a dit NON aux violations.
Aujourd'hui, elle est menottée.
Aujourd'hui, elle est emprisonnée.
Aujourd'hui, c'est toi, c'est moi, c'est nous qui disons : NON !#Palestine #FreeAhedTamimi pic.twitter.com/Rkdfy5PJW0
Apparence et empathie
Selon la psychiatre Samah Jabr, interrogée par Le Monde, ce mouvement de solidarité n’est pas dû au hasard. «Si Ahed avait été brune et voilée, elle n’aurait pas reçu la même empathie de la part des médias internationaux. Un tel profil [brune et voilée] est plus facilement associé à l’islamisme et donc au terrorisme. Son attitude aurait alors été aussitôt liée à de la violence plus qu’à de l’héroïsme, comme c’est le cas aujourd’hui.»
«Provocatrice qui médiatise ses actes»
Du côté israélien en revanche, Ahed Tamimi est vue comme une «provocatrice qui sait médiatiser ses actes», elle-même manipulée par sa famille. Face aux méthodes de la jeune activiste, le quotidien Times of Israel souligne la réaction «professionnelle» des soldats de Tsahal qui restent impassibles, malgré l’humiliation.