La bataille de Palmyre est lancée. Jeudi, pour la quatrième journée consécutive, les collines qui entourent la cité antique ont été l’objet d’âpres combats visant à s’emparer de la cité antique, aux mains de l’organisation de l’État islamique (Daech) depuis mai dernier. Armée syrienne appuyée par des avions et des hélicoptères russes, troupes déployées par le Hezbollah chiite libanais, combattants chiites irakiens, présence de «conseillers» russes au sol… Les forces loyales au régime syrien de Bachar el-Assad sont désormais aux portes de la ville, à deux doigts d’une victoire à la portée avant tout symbolique mais dont l’issue pourrait aussi avoir d’importantes conséquences militaires.

Au-delà de ses joyaux architecturaux, Palmyre est devenue pratiquement une ville morte. Selon les estimations de l’opposition syrienne, il ne resterait plus que quelques milliers de civils (entre 5 et 10 000) à survivre dans la «ville nouvelle», aujourd’hui pratiquement en ruines dans une mesure comparable à la cité antique, et qui comptait auparavant quelque 170 0000 habitants. «Nous continuons à avoir quelques nouvelles depuis des échoppes qui arrivent à se connecter parfois à Internet. Mais c’est de plus en plus difficile, assure un membre du réseau «Palmyra News Network», lui-même établi à l’extérieur de la ville. Les gens se terrent dans les caves et dans tout ce qui peut servir d’abri. Ils sont dans l’attente de l’assaut final.»

Voir: notre infographie interactive, Ces chefs-d'œuvre du patrimoine archéologique mondial menacés par l’Etat islamique

Bientôt, l'assaut final?

L’assaut final? Il semble plus proche que jamais depuis que les forces fidèles au régime syrien se seraient emparées, une deuxième fois en trois jours, de la «colline 900», le plus haut point de la petite chaîne des montagnes dites Al-Hayyal. Distante d’à peine quatre kilomètres du centre de Palmyre, cette colline permet de dominer l’entrée sud de la ville et donne un accès pratiquement direct aux ruines de la cité antique.

La capture de cette colline a donné lieu à des combats violents, au cours desquels au moins une douzaine de combattants du Hezbollah auraient été tués. Daech a également posté une vidéo dans laquelle apparaît le cadavre de ce qu’elle présente comme un «officier russe» en détaillant son équipement militaire. Impossible toutefois d’en avoir le cœur net, tant les forces d’élite de l’armée syrienne ont, elles aussi, été équipées de pareil matériel russe. La présence de journalistes de télévisions russes à proximité des combats, comme plusieurs photos postées sur Facebook semblent pourtant témoigner de la présence sur le terrain de soldats russes (ou du moins de «conseillers»).

Les raids aériens à proximité de Palmyre auraient redoublé d’intensité

En annonçant le retrait surprise du gros des troupes russes de Syrie, le président Vladimir Poutine avait pris soin de préciser lundi que cela ne concernait pas les opérations menées contre l’organisation de l’État islamique et les autres groupes désignés comme «terroristes» par la Russie. De fait, loin de cesser, les raids aériens à proximité de Palmyre auraient plutôt redoublé d’intensité. Il y a quelques jours, un bombardement russe sur un autobus reliant Palmyre et Raqqa, la «capitale» de l’État islamique en Syrie, aurait provoqué la mort de 26 civils.

En marge de la décision de Moscou de retirer une partie de ses troupes, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov avait d’ailleurs d’une certaine manière affiché les intentions de la Russie. «Je crois que je ne trahis aucun secret: nous nous chargeons de Palmyre et les Etats-Unis de Raqqa», avait-il glissé.

«Pour la Russie, la «libération» de Palmyre serait évidemment brandie comme une preuve que sa stratégie est gagnante sur tous les plans», analyse Fabrice Balanche, qui travaille actuellement pour le Washington Institute. D’autant plus que, l’équation posée par Lavrov est difficilement réalisable: «Les Américains, quant à eux, auraient bien du mal à conquérir Raqqa (plusieurs centaines de milliers d’habitants), du moins s’ils veulent respecter des critères, disons, occidentaux, en rapport avec le nombre de civils tués.»

Un haut-le-cœur mondial

En mai dernier, la prise de Palmyre par l’État islamique avait soulevé un haut-le-cœur mondial. Cette victoire s’était accompagnée par la suite de macabres décapitations, mises en scène dans l’amphithéâtre romain. Mais la ville, au cœur du désert, constitue aussi un important point stratégique. «Hormis la protection de Damas et de Homs, elle représente un accès vers Deir-Ezzor qui est perçu comme une priorité par le régime syrien», note Fabrice Balanche. Dans l’est de la Syrie, la ville de Deir-Ezzor est encerclée par les combattants de l’État islamique, qui étouffent les dernières poches aux mains de l’armée syrienne.

Les médias proches du régime syrien montraient jeudi une impressionnante colonne militaire partie de Lattaquié (à l’ouest) et chargée, semble-t-il, de «finir le travail» à Palmyre. Avant, peut-être, de tenter de poursuivre la progression vers Deir-Ezzor.