catastrophe naturelle
Trois jours après la catastrophe, en raison des conditions météorologiques, les chances de trouver des survivants s’amenuisent. La tension monte en Turquie, alors que l’aide tarde en Syrie

Le bilan du séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie ne cesse de s’alourdir et dépassait jeudi les 17 000 morts. La montée des critiques en Turquie a contraint le président turc Recep Tayyip Erdogan à reconnaître des lacunes dans la réaction du gouvernement.
Sur le terrain, les sauveteurs travaillent par un froid glacial depuis deux jours, après le tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a secoué lundi à l’aube le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie voisine, suivi de puissantes répliques. Le mauvais temps complique la tâche des secours alors que les 72 premières heures sont cruciales pour retrouver des survivants, selon le responsable du Croissant rouge turc, Kerem Kinik.
Dans la province turque d’Hatay (sud), durement frappée par le séisme, des enfants et des adolescents ont été retirés des décombres d’un immeuble. «Tout à coup nous avons entendu des voix et grâce à l’excavatrice (…) nous avons tout de suite pu entendre trois personnes à la fois», raconte l’un des secouristes, Alperen Cetinkayanous.
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Dans cette province, la ville d’Antakya (l’Antioche antique) est en ruines, noyée dans un épais nuage de poussière due aux engins de déblaiement qui fouillent les décombres. «Antakya est finie», répètent des habitants. A perte de vue, ce ne sont qu’immeubles totalement ou partiellement effondrés. Même ceux qui tiennent encore sont profondément lézardés et personne n’ose y rester.
«Où est l’Etat?»
La Turquie déplore au moins 14 000 morts et de plus de 60 000 blessés. Il s’agit du pire bilan depuis le séisme de 1999, d’une magnitude de 7,4 et qui avait fait 17 000 morts dont un millier à Istanbul.
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A l’épicentre du tremblement de terre, à Kahramanmaras, une ville de plus d’un million d’habitants dévastée et ensevelie sous la neige, aucune aide, aucun secours n’était parvenu mardi. «Où est l’Etat? Où est-il? (…) Ça fait deux jours et on n’a vu personne. (…) Les enfants sont morts de froid», s’insurgeait Ali, qui espérait encore revoir son frère et son neveu, piégés dans les ruines de leur immeuble.
A Adiyaman, une autre ville du sud de la Turquie, il n’y a toujours pas de secouriste ni d’engins dans certaines zones sinistrées, a constaté une journaliste de l’AFP. Les volontaires font de leur mieux mais la colère monte dans la population. «Bien sûr, qu’il y a des lacunes, il est impossible d’être préparé à un désastre pareil», a plaidé mercredi le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’est rendu dans la province d’Hatay, à la frontière syrienne. «Quelques personnes malhonnêtes et déshonorantes ont publié de fausses déclarations telles que +nous n’avons pas vu de soldats ni de policiers», a-t-il dénoncé.
Les réseaux sociaux turcs sont inondés de messages de personnes qui se plaignent d’un manque d’efforts de secours et de recherches des victimes dans leurs zones, en particulier dans la région d’Hatay.
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Twitter inaccessible en Turquie
La police turque a arrêté une douzaine de personnes depuis le tremblement de terre de lundi pour des publications, sur les réseaux sociaux, critiquant la manière dont le gouvernement a géré la catastrophe. Twitter était inaccessible mercredi et l’organisme de surveillance de la gouvernance de l’internet netblocks.org a souligné que l’accès à ce réseau social était restreint «via plusieurs fournisseurs d’accès Internet en Turquie».
L’aide internationale a commencé à arriver mardi, des dizaines de pays ayant proposé leurs services à Ankara dont ceux de l’Union européenne et du Golfe, les Etats-Unis, la Chine et même l’Ukraine qui, malgré l’invasion russe, envoie 87 secouristes.
En Syrie, l’aide tarde à arriver
En Syrie, 3162 corps ont pour le moment été extraits des décombres, selon les autorités ainsi que les secouristes dans les zones rebelles. Vingt-trois millions de personnes sont «potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables», a mis en garde l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
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Dans les zones où l’aide tarde à arriver, des survivants se sentent bien seuls. A Jandairis, en zone rebelle en Syrie, «même les immeubles qui ne se sont pas effondrés ont été très endommagés», explique Hassan un de ses habitants qui veut rester anonyme. «Il y a environ 400 à 500 personnes piégées sous chaque immeuble effondré avec seulement 10 personnes qui tentent de les sortir. Et il n’y a pas de machines», ajoute-t-il.
Dans le village de Besnaya, à la frontière avec la Turquie, Malik Ibrahim déblaye sans relâche les décombres, à la recherche de trente membres de sa famille, tous ensevelis sous les ruines. Dix corps sans vie en ont déjà été retirés. «Il reste vingt personnes sous les décombres. Je n’ai pas de mots, c’est une catastrophe. Nos souvenirs sont enterrés avec eux. Nous sommes un peuple sinistré dans tous les sens du terme», dit cet homme de 40 ans.
Dans ces circonstances, la Turquie et la Syrie «peuvent compter» sur l’Union européenne, a assuré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a annoncé qu’une conférence des donateurs aurait lieu en mars à Bruxelles. «Mettez la politique de côté et laissez-nous faire notre travail humanitaire», a plaidé dans un entretien avec l’AFP le coordinateur de l’ONU en Syrie, El-Mostafa Benlamlih. «On ne peut pas se permettre d’attendre et de négocier».
Dans les zones rebelles, les Casques blancs (volontaires de la protection civile) ont imploré la communauté internationale d’envoyer de l’aide. «Des gens meurent toutes les secondes sous les décombres», a déclaré à l’AFP leur porte-parole, Mohammad al-Chebli.
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