Le Club suisse de la presse (CSP) dans la tourmente en raison de la Syrie? L’équation paraît incongrue. Mardi à la Pastorale à Genève, le CSP a organisé une conférence intitulée: «Ils s’en fichent de nous: le vrai agenda des casques blancs». Dans la salle, peu de journalistes, mais beaucoup de participants acquis à la critique des médias traditionnels.

La polémique autour des casques blancs n’est pas nouvelle. L’ONG humanitaire pressentie pour le Prix Nobel de la paix 2016, dont les volontaires sont considérés comme des héros par l’opposition en raison de leur courage pour extraire des victimes des gravats causés par les bombardements, est dépeinte comme un repaire de terroristes par le président syrien, Bachar el-Assad.

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«ONG manipulées par l'Occident»

Hier, le CSP a présenté un film réalisé par la chaîne russe RT. Le reportage, très critique, décrit l’ancien siège des casques blancs et montre un mortier, des douilles jonchant le sol comme autant de preuves de l’implication dans la guerre de ces humanitaires financés notamment par l’Occident. L'autoproclamée journaliste indépendante Vanessa Beeley cite un ex-agent de la CIA pour affirmer que les casques blancs ont activement participé aux massacres qui ont dévasté la Syrie. Le film favorable qui leur a été consacré sur Netflix, avance-t-elle, «n’est qu’une pure fiction». Dans le panel, aucune contestation de cette vision des choses. «Il faut donner la parole à toutes les tendances», se justifie le directeur du CSP, Guy Mettan.

Autre intervenant, le journaliste français Richard Labévière dénonce le manichéisme de ces journalistes (de Libération et du Monde) qui s’évertuent à dépeindre un côté comme le camp du bien et l’autre comme celui du mal. Il rappelle que l’histoire regorge d’exemples où des ONG ont été manipulées par l’Occident, comme Femen, ou celles, financées par le milliardaire américain George Soros, qui étaient actives dans les révolutions d’Ukraine ou de Géorgie.

Une «soit-disante journaliste»

La conférence sur les casques blancs aurait pu être annulée. Dans une missive datée du 23 novembre, RSF, membre du CSP, a écrit: «Nous nous dissocions totalement de cet événement et ne souhaitons en aucune manière être associés à une conférence qui accueille une soi-disant journaliste, Madame Vanessa Beeley, qui justifie l’utilisation de la torture par le régime syrien afin de le préserver. Quand bien même elle n’a jamais été publiée dans un média indépendant, il est étonnant qu’elle soit référencée au moins deux cents fois dans les médias russes de propagande. (Sputnik News et Russia Today).»

Au nom de la liberté de la presse, Guy Mettan remballe RSF et maintient l’événement. Il reste que ses positions pro-russes en tant que responsable d’un club de la presse et surtout son manque de transparence sur les intervenants font de plus en plus jaser. Ce d’autant plus que ce député au Grand Conseil a reçu, voici quelque temps, la médaille de l’Ordre de l’amitié de la Russie. Guy Mettan balaie ces critiques: «C’est un non-sujet. En vingt ans, j’ai organisé 2300 conférences. Seules 15 étaient sur la Russie et 12 donnaient la parole à des opposants de Poutine. Je n’ai jamais subi de telles pressions en quarante ans de carrière. Normalement, de telles choses ont lieu dans des Etats autoritaires.» Preuve du climat délétère autour du CSP, les autorités ont dépêché des agents de sécurité à la Pastorale pour veiller au bon déroulement de l’événement.

«Tribune pour les propagandistes»

Contacté, le président de RSF Section Suisse, Gérard Tschopp, reconnaît avoir commis une erreur en demandant l’annulation de la conférence. Mais il ne regrette pas d’avoir mis le doigt sur le dysfonctionnement du CSP. «Le Club suisse de la presse ne peut pas offrir une pareille tribune à des propagandistes. Qu’ils soient pro-russes ou pro-américains, peu importe. Ce faisant, il porte préjudice à la Genève internationale.» Le comité de RSF va décider s’il reste membre du CSP ou s’il démissionne. Le président du Conseil d’Etat genevois, François Longchamp, rappelle le contrat de prestations qui lie le CSP à l’Etat. A ses yeux, il incombe au comité du CSP, composé de journalistes, de prendre les dispositions qu’il juge nécessaires.