Israël
La firme israélienne NSO Group a mis au point un logiciel permettant de définir la «dangerosité» de chaque individu en lien avec le coronavirus. L'entreprise est devenue célèbre en piratant le portable de Jeff Bezos

C’est une occasion en or. La très controversée firme israélienne NSO Group est en train de faire campagne pour faire connaître tous azimuts son nouveau produit. La concurrence est rude, mais NSO a des atouts à faire valoir: il s’agit de promouvoir un outil de surveillance de masse qui vise à aider les Etats à traquer les personnes infectées par le coronavirus afin de freiner sa propagation. Le nom de code de ce logiciel? Fleming.
En réalité, une simple adaptation d’un programme déjà vendu aux régimes autoritaires dans le but de traquer les opposants, défenseurs des droits de l’homme et journalistes, et qui aurait déjà fait ses preuves contre… Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et propriétaire du Washington Post.L’utilisation de Fleming, d’après ceux qui l’ont vu en application, est frappante de simplicité.
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Le logiciel permet de voir où se trouvait à tel instant un utilisateur donné, qui il a rencontré, à quel endroit et pendant combien de temps. Les données sont officiellement anonymes mais les responsables de la firme ont précisé dans divers entretiens que les Etats, si besoin, pouvaient trouver sans problème l’identité réelle des personnes, localisées par leur téléphone.
Plainte déposée
Sans faire référence explicitement à la firme NSO Group, le ministre israélien de la Défense, Naftali Bennett, a confirmé que ce système attribuait à chaque individu une note allant de 1 à 10, et qu’il permettait ainsi de connaître sa «dangerosité». Un contact étroit avec un porteur du virus revient à se voir donner une note de 8 ou de 9. Partager un même espace général revient à récolter un 3.
Il y a deux semaines, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou confirmait lui aussi qu’Israël avait «commencé à avoir recours à la technologie digitale» pour localiser les individus et, si besoin, les placer en quarantaine. Une annonce qui a conduit une association israélienne de défense des droits civiques, ACRI, à porter plainte devant un tribunal, en mettant en avant la «nature draconienne» des mesures permises par ce logiciel.
Régimes autoritaires
Avant même l’arrivée du coronavirus, NSO Group a beaucoup fait parler d’elle. Cette start-up, fondée par des vétérans de l’armée israélienne et plus précisément par l’unité 8200 chargée des missions d’espionnage dans l’environnement high-tech, a été accusée de vendre sa technologie à toute une série de régimes autoritaires.
Parmi eux: le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, qui aurait profité de ces services pour pirater le téléphone portable de Jeff Bezos, l’un des hommes les plus riches du monde. Cette intrusion serait à l’origine du divorce de Bezos mais elle aurait surtout été motivée par l’objectif de fragiliser le propriétaire du Washington Post, un journal pour lequel travaillait Jamal Khashoggi, l’opposant tué dans le consulat saoudien d’Istanbul.
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NSO Group a nié toute implication dans cette affaire, mais elle est jugée probable par des experts de l’ONU, dont la rapporteure spéciale Agnès Callamard, qui enquête sur ce meurtre. Aussi bien l’application WhatsApp qu’Amnesty International ont porté plainte contre la firme pour ses activités liées à l’utilisation de logiciels espions.