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Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme est en train de créer une structure qui constituera des dossiers pénaux contre des criminels en Syrie. Celle-ci serait une «amorce de tribunal pénal»

Genève va occuper une place centrale dans la lutte contre l’impunité du régime de Bachar el-Assad. Un nouveau «mécanisme international, impartial et indépendant», censé aider les enquêtes sur les crimes les plus graves commis en Syrie, a été créé en décembre dernier dans une quasi-indifférence par le biais d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU à New York.
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Pour Stephen Rapp, ancien procureur général du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, «c’est un pas historique qui permettra d’agir sur le plan pénal sans devoir craindre le veto» d’un membre permanent du Conseil de sécurité.
Un secrétariat au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Ce nouveau mécanisme, qui doit entrer en vigueur d’ici au 4 février, prévoit l’instauration à Genève d’un secrétariat au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, appelé «support team». Plusieurs Etats s’activent déjà à trouver les fonds pour financer son budget annuel, évalué entre 4 et 6 millions de francs. Les Pays-Bas et le Liechtenstein ont déjà apporté une contribution totale de 1,5 million.
La Suisse, qui a soutenu la résolution votée à l’ONU, est prête à y contribuer et à placer des experts au sein de la «support team». A New York, elle a plaidé pour une saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité. C’était compter sans les veto russe et chinois.
600 000 documents compilés
Les quelque 600 000 documents issus du gouvernement syrien compilés par la Commission for International Justice and Accountability, créée en 2012 par l’expert en droit pénal Bill Wiley, attestent de crimes commis par Damas. Ils pourraient s’avérer très utiles. «Ce mécanisme, c’est une amorce de tribunal pénal. Il sera ouvert, conclut un diplomate européen, aux procureurs nationaux désireux de constituer des dossiers pénaux sur la Syrie.» L’avènement du «mécanisme» tombe bien, car il y a urgence. Avec le temps, les preuves pourraient disparaître.
Le «mécanisme» se situe entre la Commission d’enquête sur la Syrie (créée en 2011 par le Conseil des droits de l’homme) et un tribunal pénal. Il servira de plateforme pour constituer des dossiers dans les règles de l’art, afin qu’ils soient compatibles avec les exigences de la justice pénale. Il pourrait même être utilisé pour instruire la plainte déposée mercredi en Espagne par Guernica 37.
Jusqu’ici, la Commission d’enquête, dite Pinheiro ou Del Ponte, a bien établi des violations des droits de l’homme, mais en vertu de son mandat, elle n’est pas armée pour constituer des dossiers pénaux et ses limites ont été reconnues. Le «mécanisme» sera fondamental pour ce que les experts appellent le «linkage evidence», l’établissement de liens entre les différentes preuves accumulées et violations constatées.