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Irak-Syrie: l’histoire bégaie!

Etats-Unis et Russie se côtoient en Syrie sur fond d'escalade de tensions. Le scénario actuel ressemble étrangement à celui qui conduisit en 2003 à l’invasion de l’Irak, s’étonne notre chroniqueuse Marie-Hélène Miauton

Soldat syrien devant un véhicule militaire surmonté d'un drapeau russe. Damas, 12 avril 2018. — © OMAR SANADIKI
Soldat syrien devant un véhicule militaire surmonté d'un drapeau russe. Damas, 12 avril 2018. — © OMAR SANADIKI

La tension est à son comble autour de la Syrie! Tout comme la détention (hypothétique) d’armes de destruction massive par Saddam Hussein avait conduit le président américain George Bush à envahir l’Irak, le largage (présumé) de gaz létaux sur Douma, ville de la Ghouta orientale en mains islamistes, permet à Donald Trump d’annoncer des représailles musclées. De nouveau, une coalition «du Bien» se forme contre «l’axe du Mal», incarné ici par la Russie qui soutient la Syrie, dont le président est «un animal qui tue son peuple avec du gaz et qui aime cela», écrit Trump avec ce sens de la nuance qui est sa marque de fabrique. Sans tirer les leçons du passé, le monde occidental s’emploie donc à renverser un régime laïc en Syrie, tout comme il le fit en Irak, ce qui permit l’émergence de cet Etat islamique qu’on prétend vouloir anéantir. Foutaises!

A quoi joue-t-on?

Ce que Trump et consorts veulent détruire en Syrie, c’est le régime en place soutenu par Moscou qui, décidément, prend beaucoup trop d’importance actuellement. Cette zone devient dès lors le terrain d’affrontement d’intérêts géopolitiques et économiques monumentaux. Accessoirement, il faut savoir que la Russie est devenue le deuxième exportateur d’armes du monde après les USA. Quoique quatre fois moins important, cela ne saurait durer, doivent se dire les faucons américains! C’est pourquoi les porte-avions se déplacent, les sous-marins s’activent, les avions de chasse vrombissent… se préparant pour la démonstration grandeur nature de la supériorité des F-22 sur les Sukhoï-24, ou des missiles US «beaux, nouveaux et intelligents», dixit Trump, sur les nouveaux Sarmat, capables de «frapper tout objectif via le pôle Sud ou le pôle Nord», dixit Poutine.

A quoi joue-t-on, là, sous le regard attentif et totalement inutile de l’ONU? Aurions-nous déjà tout oublié? La raison invoquée pour envahir l’Irak dans le but d’y «installer une démocratie et de pacifier l’Orient par un effet d’exemple» (sic)? Les prétendus liens étroits entretenus par Saddam Hussein avec les réseaux terroristes alors même qu’il les combattait activement? Les incroyables propos de Colin Powell déclarant: «Saddam Hussein a entrepris des recherches sur des douzaines d’agents biologiques provoquant des maladies telles que la gangrène gazeuse, la peste, le typhus, le choléra, la variole et la fièvre hémorragique» (re-sic)? La fausse déclaration d’une pseudo-infirmière koweïtienne rémunérée par les USA pour prétendre avoir vu des soldats irakiens piller la maternité de l’hôpital de Koweït et «arracher les nourrissons des couveuses et les tuer sans pitié en les jetant par terre»? La mise en place en plein désert d’un service de presse luxueux chargé d’alimenter les médias internationaux en exploits guerriers et technologiques? La prétendue guerre chirurgicale qui a fait en réalité plus d’un million de morts? Tout oublié, vraiment?

Concert des bonnes intentions

On peut s’étonner que Donald Trump, dont l’imprévisibilité, la dangerosité et le ridicule sont unanimement et constamment dénoncés, retrouve tout son lustre dès lors qu’il propose de pilonner la Syrie, ou ce qu’il en reste. Que Theresa May, dont la faiblesse stratégique et tactique est largement déplorée, n’hésite pas à entraîner la Grande-Bretagne, empêtrée dans son Brexit, pour jouer les va-t-en-guerre avec le grand frère américain. Que la France, autrefois mieux inspirée, se joigne au concert des bonnes intentions alors que ses trains sont en grève, ses universités mal en point, ses réformes mal acceptées. Alors que ces chefs d’Etat sont souvent piètrement jugés quant à leurs prédispositions visionnaires ou leur efficacité à gouverner, ils sont a contrario considérés comme crédibles dans leurs décisions internationales, alors que leurs interventions pourraient conduire à un conflit mondial ou, pour le moins, à un nouveau bain de sang au Moyen-Orient. Cherchez l’erreur!