En Iran, deux nouvelles exécutions en lien avec les manifestations
Iran
Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini ont été reconnus coupables par la justice iranienne d’avoir tué un paramilitaire lors des manifestations. Ils ont été pendus ce matin
La justice iranienne a annoncé la pendaison samedi de deux hommes reconnus coupables d’avoir tué un paramilitaire lors des manifestations déclenchées par le décès en détention de la jeune Mahsa Amin, déclenchant une vague d’indignation. La France a jugé «révoltantes» ces exécutions, selon un communiqué du Quai d’Orsay, et les Pays-Bas ont dit convoquer l’ambassadeur iranien pour lui faire part de leurs «graves préoccupations», invitant les pays membres de l’Union européenne à «faire de même.»
Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, accusés d’avoir tué Rouhollah Ajamian, un membre de la milice des Bassidji liée aux Gardiens de la Révolution – l’armée idéologique d’Iran – le 3 novembre à Karaj, à l’ouest de Téhéran, «ont été pendus ce matin», samedi, a annoncé l’agence de l’autorité judiciaire Mizan Online. Un tribunal en première instance avait condamné à mort les deux hommes le 4 décembre et la Cour suprême avait confirmé le 3 janvier leurs peines, une justice qualifiée d'«expéditive par des ONG de défense des droits humains.
Déjà 14 personnes condamnées à mort
L’Organisation des Nations unies a dénoncé des pendaisons «choquantes» qui portent à quatre le nombre d’exécutions depuis le début du mouvement de contestation en Iran à la mi-septembre, tandis que l’UE s’est dite «consternée», selon un communiqué des services de son chef de la diplomatie Josep Borrell. Elle a aussi appelé l’Iran «à mettre immédiatement un terme» à l’exécution de manifestants. Dans un tweet, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a indiqué que ces exécutions «confortaient [Berlin] dans [sa] volonté d’augmenter encore la pression sur Téhéran avec l’UE.»
#MohammadMehdiKarami & #MohammadHosseini - mehr als 2 Namen. Vom Regime in #Iran erhängt, weil sie sich dem brutalen & menschenverachtenden Handeln nicht unterwerfen wollten. 2 weitere schreckliche Schicksale, die uns bestärken, mit der EU den Druck auf Teheran weiter zu erhöhen.
— Außenministerin Annalena Baerbock (@ABaerbock) 7 janvier 2023
Depuis le début du mouvement de contestation, 14 personnes ont été condamnées à mort en lien avec les manifestations – selon un décompte réalisé par l’Agence France-Prese basé sur des informations officielles. Parmi elles, quatre ont été exécutées, deux ont vu leur peine confirmée par la Cour suprême, six attendent de nouveaux procès et deux autres peuvent faire appel. Des militants assurent que des dizaines d’autres risquent la peine de mort.
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L’Iran est secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre dernier à la suite de son arrestation pour violation du code vestimentaire strict du pays pour les femmes. Les responsables iraniens dénoncent des «émeutes», attisées selon eux par des pays étrangers et des groupes d’opposition, et affirment que des centaines de personnes ont été tuées dans les troubles, dont des membres des forces de sécurité. Environ 14 000 personnes ont été arrêtées, selon l’ONU.
«Un simulacre de procès»
Ces dernières exécutions surviennent malgré une campagne d’ONG appelant Téhéran à épargner Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, Amnesty International ayant notamment dénoncé un procès «inéquitable.» Mi-décembre, le père de Karami avait diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il implorait les autorités à annuler la condamnation de son fils. L’avocat de la famille, Me Mohmmed Aghasi, a déploré que le jeune homme n’ait pas pu voir une dernière fois sa famille avant de mourir. Selon l’organisation basée à Oslo Iran Human Rights (IHR), Karami était âgé de 22 ans et selon l’ONG Hengaw, basée aussi en Norvège, Hosseini avait 39 ans.
Le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a dénoncé samedi des procès «basés sur des aveux extorqués.» Pour le directeur d’IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam, les deux condamnés ont été «soumis à la torture, et condamnés à l’issue d’un simulacre de procès.» Téhéran fait l’objet d’une série de sanctions internationales en réaction à la répression des manifestations. Le directeur du Centre pour les droits de l’Homme en Iran (CHRI) basé à New York, Hadi Ghaemi, a accusé l’Iran d’utiliser «les exécutions et la force létale contre les manifestations pour semer la terreur au sein de la population.»
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Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a de son côté annoncé samedi avoir nommé un nouveau chef de la police nationale, Ahmad-Reza Radan, pour remplacer le général Hossein Ashtari. En 2010, le Trésor américain avait mis Ahmad-Reza Radan sur sa liste noire pour violation des droits humains après la répression de manifestations déclenchées par la réélection controversée de l’ex-président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009.