Ce lundi matin, la plus grosse centrale syndicale israélienne a annoncé «une grève générale» immédiate, exigeant l’arrêt du projet de réforme de la justice en cours d’examen au Parlement et qui divise profondément le pays. «J’appelle à une grève générale», a déclaré Arnon Bar David, chef de la Histadrout. «Dès la fin de cette conférence de presse, l’Etat d’Israël s’arrête […] Nous avons pour mission d’arrêter le processus de législation et nous allons le faire», a-t-il dit.

Cette annonce a été suivie d’une autre, de l’Association médicale israélienne décrétant elle aussi une grève générale devant affecter les hôpitaux et services médicaux publics.

Le président appelle à la suspension des travaux

Le président israélien Isaac Herzog a appelé lundi le gouvernement arrêter «immédiatement» le travail législatif sur le projet de réforme judiciaire qui divise le pays. «La nation entière est en proie à une profonde inquiétude. Notre sécurité, notre économie et notre société sont toutes menacées», écrit le président dans un communiqué. Il en appelle solennellement «au premier ministre, aux membres du gouvernement et à ceux de la majorité. Tout le peuple d’Israël vous regarde. Tout le peuple juif vous regarde. Le monde entier vous regarde», ajoute Isaac Herzog, dont les appels répétés à trouver une solution de compromis sur la réforme ont été jusqu’ici sans effet et n’ont pas empêché le pays de glisser peu à peu dans la crise. «Au nom de l’unité du peuple d’Israël, je vous appelle à stopper immédiatement» le processus législatif, a encore ajouté Isaac Herzog, qui joue un rôle essentiellement protocolaire.

Auparavant, dimanche, le premier ministre Benyamin Netanyahou a limogé son ministre de la Défense après qu’il a appelé samedi soir à une pause d’un mois dans le processus de réforme judiciaire controversée voulue par le gouvernement. «Le premier ministre Benyamin Netanyahou a décidé de démettre de ses fonctions le ministre de la Défense Yoav Galant», a indiqué le bureau du premier ministre dans un bref un communiqué.

Nouvelle manifestation à Tel-Aviv

Après l’annonce du limogeage, des milliers de manifestants ont convergé, selon la police, vers la rue Kaplan dans le centre de Tel-Aviv, épicentre des manifestations se tenant chaque semaine depuis la présentation en janvier par le gouvernement, du projet de réforme qui divise le pays.

Dans un discours samedi soir, Yoav Galant, pourtant du même parti de droite que Benyamin Netanyahou, le Likoud, avait dit craindre qu’une poursuite des divisions au sein de la population sur ce dossier engendre une «vraie menace pour la sécurité d’Israël».

Benyamin Netanyahou et ses alliés d’extrême droite et ultra-orthodoxes estiment nécessaire ce projet de réforme pour rétablir un rapport de force équilibré entre les élus et la Cour suprême, qu’ils jugent politisée.

Manifestation devant la résidence de Benyamin Netanyahou

A Tel-Aviv, des manifestants ont incendié des pneus dimanche soir, a indiqué la police dans un communiqué. Une journaliste de l’AFP a constaté que des manifestants avaient brûlé un canapé et, à d’autres endroits, du bois. Selon elle, une foule immense a gagné les rues de Tel-Aviv et des manifestants ont bloqué la principale autoroute traversant la métropole côtière, la Ayalon.

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Munis de drapeaux bleu et blanc, des manifestants ont scandé des slogans comme «Bibi dégage!», reprenant le surnom de Benyamin Netanyahou. D’autres rassemblements spontanés ont eu lieu devant la résidence du premier ministre à Jérusalem ainsi que dans d’autres villes du pays comme à Haïfa (nord) et à Beer Sheva (sud), selon les médias locaux.

«La sécurité d’Israël a toujours été et restera toujours la mission de ma vie», a réagi Yoav Gallant sur Twitter.

Les Etats-Unis sont de leur côté «profondément préoccupés par les événements survenus aujourd’hui en Israël, qui soulignent une fois de plus la nécessité urgente d’un compromis», a déclaré une porte-parole de la Maison-Blanche. «Les valeurs démocratiques ont toujours été, et doivent rester, une caractéristique des relations entre les Etats-Unis et Israël», a-t-elle souligné.

Un appel au «dialogue»

«Nous devons arrêter le processus législatif» pendant un mois, avait affirmé samedi soir Yoav Galant, avant une semaine cruciale qui devrait être marquée par d’autres dispositions législatives et de nouvelles manifestations de masse. «Je suis attaché aux valeurs du Likoud (…) mais les changements majeurs au niveau national doivent se faire par le biais de la concertation et du dialogue», a-t-il ajouté.

«Netanyahou peut renvoyer Gallant, mais il ne peut pas renvoyer la réalité et ne peut pas renvoyer le peuple d’Israël qui s’oppose à la folie de la coalition», a réagi sur Twitter le chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid. «Le premier ministre d’Israël est une menace pour la sécurité d’Israël», a-t-il encore écrit.

Quelques heures après l’annonce du limogeage, le consul général d’Israël à New York a démissionné, publiant une lettre sur Twitter.

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Les manifestations se succèdent chaque semaine depuis la présentation en janvier par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, l’un des plus à droite de l’histoire d’Israël, du projet de réforme qui divise le pays. Les députés israéliens devraient se prononcer dans les prochains jours sur un des éléments centraux de la réforme, au cœur des inquiétudes de ses détracteurs, prévoyant le changement dans le processus de nomination des juges.

Benyamin Netanyahou rappelé à l’ordre par la justice

Dans un discours retransmis à la télévision jeudi soir, Benyamin Netanyahou, qui était jusque-là resté en retrait sur ce dossier, s’est engagé à «mettre fin à la division au sein du peuple», tout en soulignant sa détermination à faire avancer la réforme.

Le lendemain, il a été rappelé à l’ordre par la justice qui a jugé «illégale» son intervention publique, compte tenu de ses procès en cours pour corruption. Et dimanche la Cour suprême a donné au premier ministre une semaine pour répondre à la pétition d’une ONG demandant à ce qu’il soit sanctionné pour «outrage au tribunal» après ce discours.

Selon la pétition du Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, consultée par l’AFP, Benyamin Netanyahou, inculpé dans une série d’affaires pour corruption, a violé un accord conclu avec la justice selon lequel un premier ministre inculpé n’a pas le droit d’agir dans un domaine qui pourrait le placer en situation de conflit d’intérêts, conformément à un arrêt de la Cour suprême de 2020.

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