Tout les différencie: leurs origines sociales, leur éducation, leur style. Mais ensemble, ces dix jeunes femmes népalaises rêvent de «toucher le Toit du monde», comme elles l'ont écrit sur le mur de leur petit local de Katmandou. Agées de 17 à 27 ans, elles forment ainsi la première expédition de Népalaises qui tenteront l'ascension des 8848 mètres du Sagarmatha, la «déesse du Ciel» en langue locale, ou l'Everest pour les Occidentaux. Partie fin avril pour le camp de base, l'équipe devrait atteindre le sommet vers le 25 mai, après un mois d'acclimatation progressive.

Démarche unique

Leur démarche est unique. Car si l'Himalaya abrite des joyaux qui enchantent les alpinistes du monde entier, rares sont les Népalais à pouvoir en profiter, en raison du coût financier des expéditions. Et encore moins les femmes, au sein d'une société figée par les castes et la pauvreté. Alors que la voie de l'Everest a été ouverte depuis 1953 par Tenzing Norgay Sherpa et Edmund Hillary, seules sept Népalaises ont déjà tenté individuellement l'aventure.

En 2005, cette réalité a choqué Pemba Sorje Sherpa, un alpiniste renommé, détenteur du record de la plus rapide ascension de l'Everest (en 8 heures et 10 minutes). Il s'est alors chargé d'entraîner dix Népalaises issues de castes différentes: Susmita, Asha, Sailee, Nimdoma, Chunu, Pujan, Maya, Pemadiki, Nawang et Usha. Pour huit d'entre elles, il a fallu tout apprendre en matière d'alpinisme.

Un an de préparation

Asha est ainsi originaire d'un village sans électricité de la plaine du Terai, et s'est rendue un jour à Katmandou sans un sou en poche, mais avec une seule idée: «escalader l'Everest». «C'était le seul nom de montagne que je connaissais!» se souvient-elle en riant. Il y a aussi Maya, qui a fui sa maison après que son père eut tenté de la marier, et Pemadiki, arrivée avec ses parents à Katmandou sans autre bien que leurs vêtements. Ou encore Susmita, mannequin et diplômée de littérature anglaise. Mais après une année de préparation physique, toutes sont transportées par la joie de s'être réunies. Et ont même décidé que, pour l'expédition, les gardiens de yacks et de mulets seront des femmes!

Dans leur sac à dos sont roulés un drapeau du Népal et une banderole, qu'elles comptent déployer au sommet pour communiquer leur message: «Unies dans la diversité.» «Car si nous avons appris à vivre ensemble, s'enthousiasme la jolie Sailee, et cela dans une société laminée par la misère et par dix ans de guerre (insurrection maoïste de 1996 à 2006), alors pourquoi pas le Népal tout entier?»