Dans ce parti que les Français, grands amateurs de références historiques, qualifient souvent de «bonapartiste», Napoléon est désormais averti: ça se corse. Nicolas Sarkozy revient bel et bien aux commandes de l’UMP. Mais le score décevant qu’il a obtenu au scrutin interne ce week-end l’empêche de devenir le chef incontestable et incontesté qu’il aurait voulu être.
Avec seulement 64,5% des voix des adhérents, l’ancien président est très en deçà du score qu’il avait obtenu en 2004 (85%), lorsqu’il avait une première fois pris la barre du parti en succédant à Alain Juppé. Il ne réalise même pas les 70% que visait son entourage dans la dernière ligne droite. Ses proches ont beau souligner qu’une victoire dès le premier tour est un succès. Nicolas Sarkozy n’a pas su s’imposer comme le seul homme à bord. Bruno Le Maire lui vole presque la vedette en taquinant la barre des 30% (29,2%). Il faudra désormais compter avec l’ambitieux quadra. Quant à Hervé Mariton, «le candidat de la manif pour tous» aux convictions à la fois libérales et conservatrices, il grignote 6%.
L’ancien locataire de l’Elysée n’a pas pavoisé. Après un simple communiqué sur Facebook samedi soir pour acter «un nouveau départ», il était l’invité dimanche du 20 heures de TF1. «Certes je n’ai pas fait 100% comme madame Le Pen», a-t-il ironisé en référence à la réélection de la présidente du Front national.
Recruter des adhérents
Dès ce lundi, il sera à la tâche. Objectif: rassembler la droite et organiser les futures primaires pour la désignation du candidat à la présidentielle de 2017. Aucune de ces deux tâches ne sera aisée.
Affaiblie par les querelles internes, minée par le scandale Bygmalion, l’UMP est à reconstruire. Nicolas Sarkozy veut en faire une grande force militante. Autrement dit, recruter un demi-million d’adhérents alors que le parti n’en compte que 270 000 aujourd’hui. Mais l’absence de plébiscite montre qu’il ne sera pas facile de redonner à l’électorat traditionnel de la droite «l’envie d’avoir envie».
Et reconstruire avec qui? Nicolas Sarkozy veut une équipe plurielle. Il veut même mettre sur pied un «comité d’anciens premiers ministres» pour lequel Dominique de Villepin a déjà marqué son accord. Le nouveau patron devra compter avec les partisans de Bruno Le Maire qui, étant donné le score de leur champion, veulent que les idées de ce dernier sur le «renouveau» soient prises en compte. Nicolas Sarkozy ne devrait pas non plus trop mettre lui-même les mains dans le cambouis. Ce serait affaiblir sa stature, alors que ses rivaux pourront déjà s’élever au-delà de la logique partisane dans l’optique de la prochaine course élyséenne. Nicolas Sarkozy devrait désigner un «exécutant» pour piloter l’UMP selon ses consignes.
Ensuite, l’organisation de la primaire sera, que Nicolas Sarkozy le veuille ou non, le gros morceau. Tous ses rivaux, Alain Juppé, François Fillon, Xavier Bertrand (en attendant sans doute Bruno Le Maire) ne vont pas tarder à lui demander des gages. L’ancien président, c’est dans son intérêt, fera tout pour circonscrire la compétition. Ses concurrents, au contraire, tenteront au maximum de l’élargir à tous les Français qui partagent les valeurs de la droite et du centre.
Alain Juppé en embuscade
«Habemus papam!» a réagi samedi soir Alain Juppé dans une curieuse formule, emporté sans doute par l’euphorie. Pour l’ancien premier ministre, le score de Nicolas Sarkozy est une excellente nouvelle. Jusqu’alors, le maire de Bordeaux avait surtout la cote auprès des sympathisants. Mais il lui restait à conquérir le noyau dur des militants. Finalement, il vient de s’apercevoir que ce noyau dur a de faux airs de caramel mou.
Pour Nicolas Sarkozy, la route s’annonce longue sur le chemin de l’Elysée. Il avait imaginé revenir autrement que par la case «parti». Il se voyait en recours, en homme providentiel. Mais l’affaire Bygmalion d’une part, et la déclaration de candidature précipitée d’Alain Juppé d’autre part, l’avaient contraint à s’engager plus tôt qu’il ne l’aurait voulu. Depuis sa déclaration de candidature en septembre, il a consacré trois mois à parcourir les meetings en se mesurant à des adversaires qu’il ne jugeait pas à la hauteur de son rang d’ancien président. Sa campagne a semé des doutes et connu des ratés. Même ses proches ont parfois pris leurs distances. Et il n’a pas profité non plus de l’affaire Jouyet-Fillon, cette tentative de déstabilisation dans laquelle il apparaissait comme victime.
Rien n’est encore perdu si Nicolas Sarkozy veut prendre sa revanche sur 2012. Mais tout reste à faire .