Jamais depuis qu’elles ont envoyé des troupes de maintien de la paix dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en 1999, les Nations unies n’avaient ainsi menacé les milices qui hantent l’est du pays. Mardi, les chefs de la Monusco (Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC) ont imposé à «toute personne ne faisant pas partie des forces de sécurité nationale», dans les environs de Goma, la capitale du Nord-Kivu et de la localité voisine de Saké, de «rendre son arme» sous quarante-huit heures. Au-delà de cet ultimatum, la Monusco avertit qu’elle «prendra toutes les mesures, y compris l’usage de la force, pour désarmer» ces personnes «considérées comme une menace imminente» pesant sur les civils de cette région densément peuplée.
L’avertissement, qui est échu jeudi en fin de journée, vaut pour «tout groupe armé». Mais il vise en particulier les hommes du M23, un mouvement d’anciens soldats mutins sévissant dans le secteur depuis le printemps 2012. Le M23 avait suscité les pires craintes en prenant quelques jours le contrôle de Goma en novembre dernier, avant de s’en retirer. Après un semestre de relative accalmie, des combats l’ont de nouveau opposé mi-juillet au nord-est de Goma aux Forces armées de la RDC, qui ont pris l’ascendant.
Pas de base populaire
D’après Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale d’International Crisis Group, l’ultimatum de la Monusco, jusque-là âprement critiquée pour son incapacité à enrayer les éruptions de violence, marque «la première étape d’un durcissement sur le plan militaire. Une seconde étape pourrait suivre, qui serait plus offensive.»
Le rapport de force semble en effet évoluer sur le terrain. En dépit des soutiens qui lui viennent du Rwanda, après plus d’une année d’activité, le M23 n’est plus au mieux de sa forme. Miné par les dissensions, il reste privé de la moindre base populaire dans ses lieux d’implantation, manque de ressources et peine à recruter. De l’autre côté, les soldats congolais, mieux organisés, plus déterminés et dorénavant correctement ravitaillés par Kinshasa, ont récemment fait preuve d’une efficacité inédite. Enfin, l’encadrement de la Monusco vient d’être renouvelé avec l’arrivée à sa tête d’un nouveau représentant spécial de l’ONU, l’Allemand Martin Kobler, tout juste débarqué d’Irak, et du général brésilien Carlos Dos Santos Cruz. Cette équipe, dit Thierry Vircoulon, «prend plus au sérieux le chapitre VII de la charte de l’ONU [ndlr: qui fonde le mandat de la Monusco et concerne «l’action en cas de menace contre la paix»]».
Les 17 000 hommes de la force onusienne sont en train de recevoir le renfort d’une brigade d’intervention, approuvée par le Conseil de sécurité en mars dernier. Elle est explicitement chargée de «neutraliser les groupes armés». Pour l’heure, seuls deux tiers des effectifs de cette brigade, des bataillons sud-africains et tanzaniens, se sont déployés dans la région que l’ultimatum de la Monusco vise à sécuriser autour de Goma. C’est d’ici que seront lancées les opérations contre les rebelles. Mais un millier de soldats malawites, et des hélicoptères, manquent encore pour qu’elle devienne opérationnelle.
Il y a urgence, jugent les habitants de la province, où les déplacements forcés ont repris et où les violences sexuelles ont progressé de façon alarmante ces derniers mois, selon l’ONU. Hier, la Coordination de la société civile du Nord-Kivu, une plateforme de militants, a exhorté la brigade d’intervention à passer à l’action d’ici à une semaine. Faute de quoi, dit-elle, la Coordination demandera à la population de se «désolidariser» d’elle.