«Nos troupes sont prêtes à répondre»
Ukraine
Proche du leader de l’opposition Vitali Klitschko, le député Valeri Patskan détaille la réaction de Kiev. Selon lui, des milliers d’hommes seront mobilisés
«Nos troupes sont prêtes à répondre»
Proche du leader de l’opposition Vitali Klitschko, Valeri Patskan détaille la réaction de Kiev.
Le Temps: Comment réagit l’Ukraine aux mouvements russes en Crimée?
Valeri Patskan: Nous sommes en pleine mobilisation de nos forces. Nous ne voulons pas entrer en guerre, c’est pourquoi l’armée ne joue pas les premiers rôles. Cependant, de notre point de vue, il est clair que la Crimée n’est que le début. Selon des informations dont nous disposons, les forces russes s’amassent à la frontière ukrainienne à 100, peut-être 150 kilomètres seulement de Kiev. L’Ukraine est résolue à se battre pour l’intégrité territoriale du pays.
– Par quels moyens?
– Nous sommes en train de déployer vers l’est du pays les hommes capables d’intégrer notre Garde nationale, formée par notre nouveau gouvernement. Actuellement, ces forces sont entraînées et elles seront opérationnelles bientôt. L’idée, ce n’est pas de s’en prendre à la population ukrainienne pro-russe, mais de se poster aux frontières pour empêcher l’arrivée de Russes. Nous avons des preuves innombrables qui démontrent la présence de ces agents provocateurs qui s’en prennent aux symboles de l’Etat, qui arrachent les drapeaux et dont le but n’est que de déstabiliser l’Ukraine.
– Ces gardes nationaux seront-ils armés?
– Au terme de leur entraînement encadré par l’armée, ils porteront des armes, en effet. Il y a, parmi ces gardes, beaucoup de militaires à la retraite qui veulent défendre leur pays. L’Ukraine ne se rendra jamais et, chaque jour, plusieurs centaines de volontaires viennent grossir les rangs de cette Garde nationale. Si les Russes décident de pénétrer malgré tout dans le pays, ce sera la guerre civile.
– Comptez-vous également envoyer ces gardes nationaux en Crimée?
– Pour l’instant, il n’en est pas question. Mais nos forces spéciales sont présentes et prêtes à intervenir. Elles sont d’ores et déjà stationnées à proximité.
– N’est-ce pas une démarche extrêmement dangereuse?
– Il faut bien garder à l’esprit qu’une menace russe contre l’Ukraine représente aussi une menace contre le reste de l’Europe. Demain, ce sont la Hongrie, la Pologne, la République tchèque qui peuvent être menacées de la même manière.
– Etes-vous satisfait du rôle joué jusqu’ici par l’Union européenne?
– Pour l’instant, Vladimir Poutine a plutôt réussi à neutraliser les Européens. Nous allons regarder très attentivement quels pays seront prêts à reconnaître l’annexion illégale de la Crimée. Nous invitons les troupes de l’OTAN à pénétrer en Ukraine pour défendre les frontières de notre pays. Les troupes russes doivent reculer, c’est la seule solution.
– En accentuant votre présence armée dans l’est de l’Ukraine, ne craignez-vous pas de braquer la population ukrainienne pro-russe?
– Nous sommes décidés à interdire l’entrée des pro-Russes, mais il n’y a pas de problèmes avec la population ukrainienne. Les Ukrainiens d’origine russe ne forment pas une nation. Depuis que l’Ukraine a acquis l’indépendance, il y a vingt-trois ans, nous n’avons pas connu de problèmes de ce type. Il faut faire la distinction entre ceux qui perçoivent un salaire pour défendre la soi-disant cause russe et ceux qui expriment, de manière légitime, des opinions divergentes au sein de la population ukrainienne.
– Le parlement de Kiev a proclamé que le russe ne constitue plus une langue officielle en Ukraine. N’est-ce pas une immense erreur?
– Oui, c’est une erreur. L’humeur était à la révolution et cette loi aux relents populistes avait surtout des visées internes. Notez bien qu’elle n’a aucune incidence pratique et que les budgets, par exemple, n’ont pas été réduits à l’égard de cette minorité. Moi-même, je viens de la ville d’Uzhhorod. La ville compte 20 écoles, dont trois pratiquent l’enseignement en russe. Il n’a jamais été question d’interdire cet enseignement.
– Avez-vous des demandes particulières à formuler envers la Suisse?
– Nous lui savons gré d’intervenir pour bloquer les comptes d’anciennes figures du pouvoir. Nous aimerions qu’elle dépêche aussi autant d’observateurs que possible pour garantir le déroulement des prochaines élections.
– Le nouveau pouvoir à Kiev apparaît très morcelé. Selon des informations russes, les tireurs qui s’en sont pris à la foule, place Maïdan, pourraient être des «provocateurs» de l’opposition. Qu’en pensez-vous?
– Si cette thèse était prouvée, il faudrait punir sévèrement les auteurs. Nous invitons la communauté internationale à mener sa propre enquête. Les enjeux sont très grands, et chacun joue sa partition. Notre but, c’est que tout cela cesse pour remettre le pays sur les rails.