La Bolivie a le vote presque aussi frénétique que la Suisse. Le président, Evo Morales, a annoncé vendredi la tenue d'un nouveau référendum, trois semaines après avoir été plébiscité par un scrutin révocatoire. Il s'agira, le 7 décembre, d'approuver un projet de Constitution et une réforme agraire, largement polémiques. Les gouverneurs de La Paz et de Cochabamba, destitués début août, seront également élus.
Régions autonomistes
Depuis des mois, le gouvernement est engagé dans un bras de fer avec l'opposition. Au cœur du différend, la Constitution adoptée fin 2007 par les députés du parti au pouvoir (Mouvement vers le socialisme, MAS), tandis que ceux des autres mouvements étaient maintenus hors de l'assemblée. La droite, qui trouve le texte «indigéniste et étatiste», conteste le programme de nationalisation et les mesures sociales prônées par le MAS.
Particulièrement visées par ces réformes, quatre des neuf régions du pays (Santa Cruz, Tarija, Pando et Beni) se sont déclarées autonomes ces trois derniers mois, référendums à l'appui, poussant Evo Morales à remettre son mandat en jeu. Conforté par un score de 67% des suffrages le 10 août dernier, le chef de l'Etat tente désormais de passer en force.
«Il a essayé de dialoguer avec les préfets mais ça n'a rien donné, relève Franck Poupeau, sociologue à l'Institut de recherche pour le développement, à La Paz. La situation est totalement bloquée; le Sénat, aux mains de la droite, bloque toutes les réformes depuis deux ans. L'opposition essaie de faire traîner les dossiers jusqu'aux prochaines élections, en 2009. Face à cela, Evo Morales n'avait guère d'autre choix.»
Echaudées par la nationalisation des hydrocarbures en 2006, les provinces les plus riches du pays refusent que l'Etat «mette la main» sur leurs terres. Le prochain référendum vise en effet à fixer la taille maximale des propriétés privées à 5000 ou 10000 hectares. Les régions autonomistes ont prévenu qu'elles empêcheraient la consultation sur leur sol. «Elles mettent la pression afin d'obtenir quelques concessions, sur les revenus des hydrocarbures notamment, poursuit le chercheur. Mais je ne pense pas que les préfets oseront aller plus loin. Ils savent bien qu'ils ne seraient soutenus ni par l'armée, ni par la police, ni par une grande partie de la population, très nationaliste.»
«Enorme désinformation»
Lutte des classes pour les uns, conflit aux relents racistes pour les autres, la bataille qui divise la Bolivie depuis l'accession au pouvoir d'Evo Morales (en janvier 2006) est protéiforme. «Le gouvernement fustige les oligarchies orientales, l'opposition dénonce une politique d'Etat visant à favoriser uniquement les Indiens de l'Altiplano. Chacun réduit et stigmatise son adversaire, note le sociologue. La désinformation est énorme des deux côtés; il est difficile d'y voir clair.»
Le président Morales a par ailleurs entamé vendredi une tournée qui le mènera en Libye et en Iran. Des accords commerciaux et énergétiques doivent notamment être discutés.