Mérite de la clarté
A la gauche du Parlement européen, on dénonce déjà les «Chicago boys» installés à Bruxelles – pour reprendre l'expression du leader des communistes, tandis que les socialistes ironisent, reprochant à José Manuel Barroso de négliger les aspects sociaux et environnementaux. Son prédécesseur avait encouragé ces derniers. Ils jugent également qu'il «se focalise sur la stabilité macroéconomique qui est manifestement son fils préféré». Les Verts eux y voient «un retour aux années Thatcher» et l'inquiétante dilution d'une Commission traditionnellement chargée de veiller à l'intérêt général et non vouée à «suivre aveuglément ce que dictent les fédérations d'entrepreneurs».
Le projet de José Manuel Barroso a le mérite de la clarté. L'agenda de Lisbonne tel que promu par la précédente Commission avait eu, lors de son lancement, le don de faire crouler de rire des parterres de journalistes, se souvient un ancien diplomate bruxellois. Aujourd'hui, constatant l'échec de l'exercice précédent, la stratégie se veut recentrée et plus efficace. Elle a prudemment renoncé à la formule de lancement – l'économie la plus compétitive du monde en 2010 – pour reconnaître «qu'il n'y a pas de solutions miracles», comme le dit Günter Verheugen, commissaire à l'Industrie: «Nous devons nous mettre au travail.» «Lisbonne» renouvelée mise donc sur la vertu budgétaire (respect du Pacte de stabilité dont la réforme est en cours), sur l'ouverture des marchés internationaux (OMC), sur la libéralisation accrue du marché intérieur, sur la simplification des règles administratives et – plus timidement – fiscales, sur l'investissement dans la recherche et la formation, sur la mobilisation et l'assouplissement des forces de travail, sur le salaire fonction de la productivité, et enfin sur les réformes de fond des systèmes de retraites et de santé. Le respect de l'environnement et les progrès sociaux devraient naturellement découler de la croissance ainsi engendrée.
Pour réaliser cet ambitieux programme, la Commission européenne s'en remet aux Etats membres, sans expliquer pour autant comment elle compte les y contraindre. Il y a aujourd'hui «une plus grande conscience», estime José Manuel Barroso, face aux «défis de la concurrence globale», soit la croissance affichée en Chine, au Japon et aux Etats-Unis. Reste que si les Etats partagent peut-être le diagnostique, voire l'avis de l'exécutif européen sur les remèdes, Jean-Claude Juncker, l'actuel président de l'Union européenne, résume leur position: «Nous savons tous ce que nous devons faire, mais nous ne savons pas comment gagner des élections après l'avoir fait.»