Publicité

La nouvelle Commission européenne a placé l'économie au cœur de son action future

José Manuel Durão Barroso appelle à créer six millions d'emplois et remettre l'Europe en selle face à la Chine et aux Etats-Unis.

La Commission Prodi avait pour horizon la réunification du continent et la rédaction pour cette nouvelle Union à 25 d'une Constitution. La Commission dirigée depuis deux mois par José Manuel Durão Barroso a confirmé mercredi à Bruxelles qu'elle entendait désormais tout miser sur l'économie – l'emploi et la croissance au premier chef – au détriment de cette Europe politique dont certains pensaient que son tour viendrait après la création du marché unique, le succès de l'euro et un élargissement historiquement nécessaire. Plus 3% de croissance en Europe et six millions d'emplois supplémentaires voilà la principale ambition affichée aujourd'hui par l'exécutif européen.

Depuis son arrivée, l'équipe dirigée par l'ancien premier ministre portugais n'a plus qu'une formule aux lèvres: la «stratégie de Lisbonne». L'actualité européenne l'y invite, puisque la révision et l'évaluation de ce vaste programme destiné lors de son lancement en l'an 2000 à faire de l'Europe «l'économie la plus compétitive du monde d'ici à 2010», figure de longue date au menu des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réuniront en sommet à Bruxelles en mars prochain. Mais au-delà du calendrier, le nouvel exécutif européen, qui confirme ainsi l'orientation libérale que promettait sa composition, a décidé d'en faire la «colonne vertébrale» de son action pour les cinq ans à venir.

Mérite de la clarté

A la gauche du Parlement européen, on dénonce déjà les «Chicago boys» installés à Bruxelles – pour reprendre l'expression du leader des communistes, tandis que les socialistes ironisent, reprochant à José Manuel Barroso de négliger les aspects sociaux et environnementaux. Son prédécesseur avait encouragé ces derniers. Ils jugent également qu'il «se focalise sur la stabilité macroéconomique qui est manifestement son fils préféré». Les Verts eux y voient «un retour aux années Thatcher» et l'inquiétante dilution d'une Commission traditionnellement chargée de veiller à l'intérêt général et non vouée à «suivre aveuglément ce que dictent les fédérations d'entrepreneurs».

Le projet de José Manuel Barroso a le mérite de la clarté. L'agenda de Lisbonne tel que promu par la précédente Commission avait eu, lors de son lancement, le don de faire crouler de rire des parterres de journalistes, se souvient un ancien diplomate bruxellois. Aujourd'hui, constatant l'échec de l'exercice précédent, la stratégie se veut recentrée et plus efficace. Elle a prudemment renoncé à la formule de lancement – l'économie la plus compétitive du monde en 2010 – pour reconnaître «qu'il n'y a pas de solutions miracles», comme le dit Günter Verheugen, commissaire à l'Industrie: «Nous devons nous mettre au travail.» «Lisbonne» renouvelée mise donc sur la vertu budgétaire (respect du Pacte de stabilité dont la réforme est en cours), sur l'ouverture des marchés internationaux (OMC), sur la libéralisation accrue du marché intérieur, sur la simplification des règles administratives et – plus timidement – fiscales, sur l'investissement dans la recherche et la formation, sur la mobilisation et l'assouplissement des forces de travail, sur le salaire fonction de la productivité, et enfin sur les réformes de fond des systèmes de retraites et de santé. Le respect de l'environnement et les progrès sociaux devraient naturellement découler de la croissance ainsi engendrée.

Pour réaliser cet ambitieux programme, la Commission européenne s'en remet aux Etats membres, sans expliquer pour autant comment elle compte les y contraindre. Il y a aujourd'hui «une plus grande conscience», estime José Manuel Barroso, face aux «défis de la concurrence globale», soit la croissance affichée en Chine, au Japon et aux Etats-Unis. Reste que si les Etats partagent peut-être le diagnostique, voire l'avis de l'exécutif européen sur les remèdes, Jean-Claude Juncker, l'actuel président de l'Union européenne, résume leur position: «Nous savons tous ce que nous devons faire, mais nous ne savons pas comment gagner des élections après l'avoir fait.»