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En Nouvelle-Calédonie, le non à l’indépendance impose un nouveau vivre-ensemble

L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie a été rejetée en référendum par 56,4% des suffrages. Le territoire du Pacifique restera français après une consultation exemplaire. Toutes les communautés doivent maintenant se réinventer un avenir

Les premiers résultats du scrutin de dimanche montrent que la Nouvelle-Calédonie restera française. — © AP
Les premiers résultats du scrutin de dimanche montrent que la Nouvelle-Calédonie restera française. — © AP

La Nouvelle-Calédonie ne deviendra pas indépendante en 2018. La «pleine souveraineté» a été rejetée dimanche par 56,4% des votants (contre 70% annoncés par les sondages). La bonne nouvelle de ce référendum, organisé sur une terre où la violence a souvent déferlé, est la forte participation de toutes les communautés – 80,6% – alors que les Kanak avaient boycotté, en 1987 (au plus fort des violences), une précédente consultation sur le maintien ou non dans la République française.

Ce rejet de l’indépendance était attendu. Les Kanak, population autochtone du territoire, ne représentent que 40% de ses habitants et environ 45% du corps électoral spécifique pour ce référendum (il fallait, entre autres, prouver plus de vingt ans de résidence). Les grands foyers de peuplement sont en outre tous au sud de la Grande Terre, cette province contrôlée par les populations «caldoches» – soit les Blancs descendant des anciens colonisateurs – auxquels sont venus s’ajouter les rapatriés d’Algérie et les Blancs venus de métropole.

Le niveau du non est toutefois en deçà des espérances des anti-indépendantistes. Ce qui pourrait inciter leurs adversaires Kanak à revenir à la charge. Les Accords de Matignon signés en 1988, et ceux de Nouméa signés en 1998, prévoient l’organisation possible de deux autres référendums en cas de victoire du non à cette consultation organisée dimanche, à la demande d’un tiers des membres du Congrès territorial (25 élus indépendantistes sur 54). En cas de résultat identique, un troisième peut être organisé dans les deux ans suivants.

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Rester prudent

Pour les anti-indépendantistes, la victoire devra dès lors être consommée avec prudence. Les tensions peuvent toujours être réveillées sur ce territoire où une partition de fait existe entre la province Sud – son poumon économique et commercial autour de Nouméa et des grandes exploitations agricoles de la côte Ouest –, et la province Nord aux mains des indépendantistes kanak, dont le sort économique dépend largement de la mine de nickel de Koniambo, exploitée par le groupe anglo-suisse Glencore. Une décentralisation accrue paraît donc inévitable, et tout l’enjeu politique des prochains mois sera de déterminer si les leaders kanak, pour la plupart issus de la génération indépendantiste des années 80, voudront ou pas retourner aux urnes.

Le premier ministre français, Edouard Philippe, arrivé sur place dimanche soir après un voyage officiel au Vietnam, devra prononcer des paroles de rassemblement. La même exigence s’impose à Emmanuel Macron. Le président français avait déclaré en mai que la «France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie», sans se risquer à défendre son maintien dans la République. Il a affirmé dimanche sa «fierté» que «la majorité des Calédoniens ait choisi la France», avant d’expliquer: «C’est pour nous une marque de confiance dans la République française, dans son avenir, dans ses valeurs.»

Point important: un gros effort diplomatique a été mis en œuvre par Paris pour que les résultats de ce référendum soient acceptés par les pays du Pacifique, invités à envoyer des observateurs. La constitution de la liste électorale spéciale, conçue pour écarter les nouveaux arrivants, avait fait l’objet d’âpres négociations sur ce territoire peuplé d’environ 300 000 habitants. La Nouvelle-Calédonie est toujours considérée par l’ONU comme l’un des 17 territoires non décolonisés que compte encore la planète.

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Position stratégique

L’une des questions cruciales pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie est sa position stratégique, aux côtés de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, face à la poussée chinoise dans cette partie de l’Océanie. Au Vanuatu voisin, l’ex-colonie franco-britannique des Nouvelles-Hébrides devenue indépendante en 1980, l’influence de la Chine se fait de plus en plus sentir et des rumeurs persistantes évoquent la prochaine installation d’une base militaire chinoise dans l’archipel.

Comment vivre ensemble après ce rejet de l’indépendance moins massif que prévu? Comment accorder aux Kanak le rôle politique qu’ils méritent dans une île qui a toujours attiré l’immigration économique, compte tenu de la richesse de son sous-sol et de son niveau de vie, l’un des plus élevés des territoires français d’outre-mer? C’est aussi la relation entre la France et ses lointaines possessions héritées de son empire colonial qui était posée dimanche. Une question qui, même après le rejet de l’indépendance par les électeurs de Nouvelle-Calédonie, va continuer de se poser.

Plus que jamais, la notion de «territoire d’outre-mer» impose d’être redéfinie, pour rompre définitivement avec l’héritage de la colonisation. Comment, par exemple, assurer une meilleure redistribution économique dans un archipel verrouillé par quelques dizaines de familles arc-boutées sur leurs intérêts? Comment éviter l’exclusion dans un territoire où les prix sont équivalents à ceux de la Suisse, alors que de nombreux Etats océaniens comptent parmi les plus pauvres du monde? Comment lutter contre l’accroissement des inégalités sociales et des frustrations, à l’origine de l’augmentation de plus en plus préoccupante de la criminalité, alors que le taux de chômage des moins de 30 ans dépasse les 30%?

Après ce rejet de l’indépendance qui n’est pas un aboutissement, la Nouvelle-Calédonie se trouve devant une obligation politique de taille: se réinventer, et réinventer sa relation avec la France.