Nouvelles charge contre Nicolas Sarkozy
France
Selon le «Canard enchaîné», le président ferait surveiller des journalistes, notamment ceux qui enquêtent sur l’affaire Woerth-Bettencourt. Mediapart s’estime aussi espionné. Les Verts demandent une commission d’enquête parlementaire
Le titre est fort, comme l’accusation qu’il contient: «Sarko supervise l’espionnage des journalistes.» Dans son édition du mercredi 3 novembre, Le Canard enchaîné écrit que «depuis le début de l’année, au moins, dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens, Sarkozy demande à Bernard Squarcini, patron du service de Renseignement intérieur (DCRI), de s’intéresser à cet effronté. En clair, de le mettre sous surveillance, de recenser ses relations et surtout, ses informateurs.» Toujours selon l’hebdomadaire, une petite équipe d’anciens des renseignements généraux, au sein de la DCRI, serait chargée d’effectuer ce travail.
Interrogé par l’AFP, l’Elysée a catégoriquement démenti ces affirmations, qualifiée de «totalement farfelues.» Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, a parlé d’«allégations grotesques, qui n’ont pas lieu d’être», tandis que Xavier Bertrand, le secrétaire général de l’UMP, a parlé de «grand n’importe quoi» sur RTL.
Ni surpris ni déstabilisé, Claude Angeli, auteur de l’article et rédacteur en chef du Canard, maintient sa position: «On ne sortirait pas un titre aussi fort si nous n’étions pas sûrs de nous», explique-t-il au Temps.
Devant la gravité des soupçons, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts a demandé la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire indépendante. «Le pouvoir actuel tente de faire taire les journalistes par les menaces et la pression», s’indigne-t-elle.
La socialiste Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale aux libertés publiques et à la justice, exige également une enquête et demande que le patron de la DCRI, Bernard Squarcini, «soit entendu par la Commission des lois de l’Assemblée nationale». «L’heure des explications est venue, il ne faut pas laisser le soupçon s’installer davantage», estime-t-elle.
L’article de l’hebdomadaire s’inscrit dans un contexte tendu – «malsain» selon le journaliste du Monde Gérard Davet – entre le pouvoir et les journalistes qui enquêtent sur des sujets sensibles, en particulier les volets politiques de l’affaire Woerth-Bettencourt.
Ces dernières semaines, une série de vols d’ordinateurs de rédacteurs travaillant sur ce sujet ont été commis. Gérard Davet s’est fait voler le sien à son domicile; celui d’Hervé Gattegno, du Point, a été dérobé à la rédaction du magazine. Deux ordinateurs, un disque dur et une copie sur CD-ROM des enregistrements clandestins au domicile de Liliane Bettencourt ont été subtilisés à Mediapart. «Dès septembre, des sources fiables nous indiquaient qu’il y aurait des manœuvres d’intimidation. Le paysage actuel semble leur donner raison», estime Edwy Plenel, le directeur de Mediapart.
«On a l’impression d’une chasse aux journalistes et à leurs sources», commente Jacques Follorou, du Monde. Cela a pour effet d’intimider les informateurs potentiels «en faisant régner une espèce de terreur. C’est très inquiétant», souligne le journaliste. Son confrère Gérard Davet dit exactement la même chose.
Hier après-midi, Mediapart a ajouté une pierre dans le jardin de l’Elysée. Il a publié un article allant dans le sens de celui du Canard et, avant cela, des révélations du Monde . Selon différentes sources, le site «fait l’objet depuis plusieurs mois d’un espionnage tous azimuts. Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, les deux journalistes spécialisés dans les enquêtes sensibles pour l’Elysée […] auraient eu droit, depuis mars-avril, à des surveillances téléphoniques afin d’établir une cartographie de leurs relations et contacts», écrit Edwy Plenel. Plus loin il ajoute: «Nos sources nous affirment que Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, voire d’autres membres de notre équipe, auraient eu droit au même traitement que leur confrère du Monde , Gérard Davet, ou que la juge de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, dont les «fadettes» (factures détaillées) des téléphones portables ont été explorées par la DCRI.»
L’examen des relevés téléphoniques et des SMS des journalistes pour remonter jusqu’à leurs informateurs est au cœur des plaintes – pour violation du secret des sources notamment – déposées par Le Monde, ainsi que Gérard Davet et Jacques Follorou. L’épluchage de leurs relevés a eu deux conséquences supposées, bien que démenties par l’Elysée: l’une fut la mise à l’écart d’un haut fonctionnaire du cabinet de la garde des Sceaux soupçonné d’avoir informé Gérard Davet. L’autre aboutira au dessaisissement de la juge Isabelle Prévost-Desprez, à la décision de nommer des juges d’instruction, puis au dépaysement de l’ensemble du dossier Woerth-Bettencourt dans un autre tribunal que celui de Nanterre.